NOURRITURE

 

            Les revenus de mes parents étaient très modestes. A part les oeufs des poules, les lapins des clapiers et la découpe du cochon élevé dans un enclos nous ne mangions que rarement de la viande de boucherie. Je crois quand même que le vendredi c'était le jour du poisson, du genre pas cher : sardines, harengs. Les  ressources essentielles venaient du jardin que toutes les maisons possédaient. Avant le bêchage d’hiver mon grand-père vidait la fosse à purin et répandait le liquide sur le sol. Tout le quartier en profitait et c’était chacun à son tour.
          Les deux grands poiriers " Duchesse" de notre jardin donnaient une année sur deux. Il y en avait tellement que nous les revendions à bas prix dans tout le quartier. C'était une des façons de "mettre du beurre dans les épinards" disait ma mère.

cheval bascule
Au coté des clapiers en 1944

    Les repas de midi étaient invariables et les plats basés sur un coût minimum:

            -Pommes de terre sauce roussie avec des cornichons coupés en rondelles 

-Agglomérés de farine et pomme de terre ( Knedele ) accompagnés d’une sauce blanche aux lardons. C’était bon mais ça collait aux dents.

-Beignets aux pommes de terre ( que je fais encore pour épater les parisiens ) appelés « Kroumbéaponnekoure » que l’on mangeait avec de la soupe aux haricots et légumes divers semblable à la Minestrone dite  "soutelbohnesoup". Il faut dire que le reste des beignets froids servait à la confection du casse-croûte pour la mine : un beignet entre deux tranches de pain beurré à la margarine que ma grand-mère appelait beurre pour faire plus riche. Quand on a faim on mange.

- lait caillé avec des pommes de terre rôties.

- la salade de pommes de terre ou de nouilles avec des morceaux de saucisse de viande ( Lyonerwourst).
        A part les pommes de terre et les légumes du jardin c’était aussi des pâtes, de la purée de petit pois, de carottes, etc…

La pomme de terre ( kroummbéa) était présente à tous les repas et sous toutes ses aspect. C'était le Kamasoutra de la gastronomie locale. Ma grand-mere faisait de temps en temps du "dibbelappess", pâte de pommes de terre cuite dans un plat en grès qui chargeait l'estomac comme du béton.

       Dans les nouilles, les salades, la soupe on retrouvait toujours, et encore maintenant, la potion magique du lorrain, le « Maggi ». La purée faite avec les pommes de terre du jardin engraissées au purin produit par les toilettes familiales, avait un goût incomparable, rehaussé avec une noisette de margarine, de lait et de noix de muscade râpée.

        Mais les "rollmops" seuls les parent en mangeaient.

       Le soir les enfants se régalaient de tartines avec de la confiture mais le père mangeait plus calorique lorsqu’il revenait de la mine. Mais le samedi soir c’était jour de fête pour les enfants car nous avions droit à des œufs à la coque, à du pâté de viande aggloméré appelé « Flèchkèse », et même de la saucisse de pâté de foie les jours de paye.

fêtes
   Jour de fête avec la famille et des amis

       Chaque dimanche apportait son repas amélioré et je me rappelle surtout du choux rouge cuit râpé servi avec des « rolades » sortes de rouleaux de fines tranches de bœuf enroulés autour d’un œuf dur, le tout plongé dans une sauce brune. Lors des fêtes ma mère passait beaucoup de temps à faire des « Spaetzele » composés d’un mélange de pomme de terre crues râpées et aussi cuites formés en beignets fourrés avec de la viande hachée à l’intérieur, l’ensemble étant bouilli dans l’eau et servi dans de la sauce à la crème fraîche et lardons. Un suprême régal !

        Rien n’était jeté et nous avions un cochon logé dans un enclos. Un de nos jeux consistait à sauter dans l’enclos derrière le cochon et à regrimper en vitesse dés qu’il chargeait. En été on allait dans la forêt pour récolter des glands sur lesquelles il se jetait frénétiquement en grognant. Il parait que cette nourriture lui rendait le poil plus brillant.
       Mais son avenir était dans les saucissons, boudin, côtelettes et autres cochonnailles. Un aide-boucher, auquel on donnait la pièce, venait l’abattre et le découper pendant la période hivernale. C’était un grand évènement pour les enfants du quartier qui voyaient effrayés et ravis s'abattre ce gros animal tué d’un seul
cochon_echellecoup de masse, ou même plusieurs quand le bourreau était euphorique. Il faut dire qu’on se levait tôt ce jour là et que la cérémonie commençait avec plusieurs verres de « schnaps » pour se réchauffer. «  Allé ! noch e klener schlug bisma onfengue ». Ensuite la bête était échaudée et grattée avec un racloir. On lui coupait la veine jugulaire et pompait avec une patte avant pour récolter le sang qui sortait à gros bouillons. Puis le cochon était accroché sur une échelle dressée et débité. Par tradition on distribuait des morceaux aux voisins qui à leur tour allaient nous rendre un service. Les enfants héritaient de la vessie gonflée en guise de ballon de foot et avait le droit de manger la cervelle. Pendant que plusieurs voisines tournaient le boudin ma grand-mère se préparait une assiette de rillons avec le gras de porc.
        Ah manger un bon morceau de lard blanc froid avec de la moutarde ! Le paradis !.
        Pour conserver les saucisses et le jambon on faisait fumé la charcuterie dans une armoire métallique alimentée à la sciure qu'on allait chercher dans une scierie à Forbach.
     Une de mes tantes à Hayange avait donné par défit le nom d'Adolphe à son cochon. C'est vrai que la guerre était presque terminée et que le Fuhrer grillait lui aussi à ce moment là dans son bunker à Berlin.

 

      En ces temps là on n’allait pas au super marché faire les courses pour la semaine. C’était au jour le jour. « Roger va m’acheter du pain », puis 2 heures après « va me chercher de la moutarde à la SAMER (l’ancêtre de la COOP). On courait à toutes jambes le long de la rue du Puits Sainte Stéphanie, bifurquait à droite pour descendre une ruelle équipée d’escaliers et arrivait dans la rue des commerçants. On évitait toujours le boucher à coté de la SAMER car c’était pour les riches sauf pour le fromage de viande dit  « fleischkaese » régal du samedi soir. Pour le lait on continuait avec notre bidon et passait devant la boutique de journaux « Ziebenshuhe ». Plus loin on ne manquait pas de s’attarder devant les affiches de film du cinéma Appolo. Le laitier avait des godets de volumes différents et puisait le lait directement dans un grand bidon. Comme il s’agissait de lait de vache entier de ferme, ma grand-mère excellait à en faire du lait caillé qu’on mangeait avec des pommes de terre rôties.

 

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Mise à jour le 18 fev 2004 / RR