Guerre et après-guerre.
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Avant le déclenchement des hostilités et ma naissance la famille avait abandonné la maison en 1940 pour se réfugier en Charente à Cognac. La peur d'être maltraité, voir tué par l'ennemi, leur avait fait prendre cette décision pénible car ils savait bien que le peu de biens qu'ils avaient durement acquis allait être volé. Avant leur départ mon grand-père avait déblayé le tas de charbon de la cave, creusé un trou et enterré le carillon Westminster après l'avoir entouré soigneusement d'une couverture. Ensuite il avait remis le tas de charbon en place. Ce fût efficace car au retour de leur exil ils retrouvèrent le carillon qui, malheureusement, refusa de se remettre en marche. On ne peut pas tout avoir dans la vie. Ils avaient gardé cependant un bon souvenir de cette période car ils avaient été bien reçu par la famille d'accueil. Le plus comique était que les haies de mûres énormes avec lesquelles on faisait les confitures étaient boudées par les habitants : "Ce sont des fruits empoisonnés, les fruits du diable ". Pendant des années je fus terrifié par le bruit des avions et le sifflement des bombes. Les alliés lâchaient leur semence mortelle sur Sarrebruck la nuit, non pas à vue, mais suivant leurs montres et ils volaient beaucoup trop haut pour échapper à la «Schlake » c-à-d la DCA allemande. Il en résultait un arrosage qui s’étalait sur plusieurs kilomètres sans discernement de frontière. Nous étions couchés dans les bacs à pommes de terre que le grand-père avait transformés en lit. La voûte de la cave ne pouvant supporter une bombe la survie était illusoire mais il fallait espérer. Par prudence on avait aménagé une ouverture dans le mur en brique de la cave du voisin pour pouvoir fuir en cas d’écroulement des étages. Plus tard je découvris qu’il existait un abri anti-aérien creusé dans la butte et passant sous la route. Je ne me rappelle pas y être allé avec ma mère Ma mère m'a raconté cette histoire. Un jour les américains ont fait irruption dans la cave pour la fouiller. A travers l'ouverture dans le mur ils ont senti l'odeur de pain que le voisin était en train de faire cuire dans son fourneau. Alors ils se sont précipités vers lui en enlevant le pain du four et en le mangeant tout brûlant. En échange ils ont remis des rations US. Il faut dire que la pénurie régnait et que le bébé que j'était ne mangeait que quelques rondelles de pommes de terre cuites par jour. Pour compenser ce manque de calories mon grand-père partait entre deux bombardements à Lixing-les-Rouhling ( plus de 20km aller-retour) avec son vieux vélo , où même à pieds, chercher du lait de vache chez les Muller. C'est chez ses braves gens que je passais plus tard mes vacances en été dans une odeur permanente de fumier de vache empilé devant chaque maison.
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Ce que je me rappelle c’est le papier argenté avec lequel je jouais en sortant de la cave, sorte de bandes qui étaient lancées des avions pour brouiller les radars ennemis. Je me souviens même avoir vue un soldat avec la tête bandée tachée de sang descendre la rue Ste Stéphanie encadré de plusieurs autres soldats. Cinquante mètres plus loin ils sont rentrés dans le jardin d’un voisin et je ne les ai plus revu par la suite. Je devais avoir dans les deux ans à ce moment là. Ma mère m’a dit plus tard que c’était un détachement de la « Croix Rouge » qui rejoignait les américains cantonnés au Habsterdick de l’autre coté du chemin de fer. |
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Un autre souvenir me rappelle l’eau qu’on allait chercher avec des seaux au haut de la rue. La guerre avait détruit la distribution de l’eau de ville. Il y avait à cet endroit une source qui, en s’écoulant, formait dans le caniveau en hiver une énorme glissade. Le pont enjambant la voie ferrée de la SNCF avait aussi était détruit et un pont en bois permettait le passage des piétons et des voitures. Quelques années après, lorsque je devins adolescent, Il fût reconstruit par un pont en béton, un peu plus bas prés de la gare.
Enfants, on allait à pied à l’église
catholique de Striring le dimanche matin. J’avais obtenu à petit travail à
la librairie « Ziebenshuh » qui consistait à récupérer un paquet de
journaux à la sortie de l’église et le ramener aux clients qui attendaient
leur quotidien. En récompense je pouvait me choisir un illustré et souvent
je prenais « Le Journal de Mickey » qui était à ce moment à ses premiers
numéros.
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Mise à jour le 18 fev 2004 / RR