EXPLICATION DES TERMES
23
......
Mais
dans l'âme humaine Dieu n'est pas seulement Intel-
ligence qui ordonne, il est aussi Amour qui harmonise. Plus
loin, en étudiant les termes de « Royaume de Dieu » et celui
de « Vie éternelle », nous verrons que cette notion de Dieu-
Amour traverse comme un fil d'or tout l'enseignement de
Jésus. En attendant, citons ce merveilleux passage de la
première épître de Jean qui est d'une
précision remar-
quable : L'Amour est de Dieu et quiconque
aime est né
Se Dieu et connaît Dieu. Celui qui n'aime
pas n'a pas.
connu Dieu, car Dieu est Amour
(Première épître de Jean,
chapitre IV, versets 7 et 8). Et plus loin :
Dieu est Amour
et celui qui demeure dans l'Amour demeure en Dieu et
Dieu demeure en lui (Première
épître de Jean, chapitre IV,
verset 16).
Pour faire comprendre que
cet Amour d'essence divine
est d'une toute autre nature qu'une vague sympathie ou que
l'attachement égoïste aux « siens », Jésus le compare souvent
au feu : Je suis venu jeter le feu sur terre (Luc XII : 49).
. Et Jean-Baptiste en annonçant la
venue de Jésus dit : Lui
Il vous baptisera du Saint-Esprit et
de feu (Mat. III : il).
Ailleurs, Jésus compare
cet Amour au « sel ». Le « sel »
qui donne de la saveur à l'existence. Il dit : Tout homme
sera salé de feu (Marc IX : 49) et il ajoute : Ayez du sel en
vous-mêmes (Marc IX : 50).
Dans tous ces exemples,
l'Amour est représenté comme
quelque chose d'intense et de corsé. Et c'est encore dans
ce sens qu'il faut comprendre cette
affirmation de Jésus
selon laquelle ce sont les violents qui s'emparent du
Royaume des Cieux (Mat. XI : i2).
N'est-il pas clair que la
violence ne signifie pas ici
brutalité, mais précisément
l'Amour intense, exalté ?
Si l'Intelligence est la « Lumière » de Dieu
dans l'homme,
l'Amour en est la «Chaleur». C'est «Dieu sensible au
coeur », suivant l'expression de Pascal. Cette présence de
Dieu en soi (dans son cœur) ,on la ressent dans tout état
d'EXALTATiON : c'est-à-dire lorsqu'on est amoureux, inspiré,
rempli d'enthousiasme. Le mot « enthousiasme » signifie
d'ailleurs en grec littéralement « Dieu en nous ». A ce
moment, Dieu monte de nos « profondeurs » et on le perçoit
avec infiniment plus d'intensité que tout le monde matériel
.........
32
CE QUE JESUS VOULAIT DIRE
Tous les poètes, tous les artistes, tous les écrivains et, d'une
façon générale, tous les créateurs savent bien qu'il en est
ainsi et qu'ils sont le plus souvent loués précisément pour
les œuvres qu'il ont conçues et réalisées en quelque sorte
en dehors de leur volonté. C'est également dans ce sens
qu'il faut interpréter les paroles de
Jean-Baptiste quand,
annonçant la venue de Jésus, il a dit : II vous baptisera
d'Esprit-Saint (Marc 1 : 8), c'est-à-dire qu'il apprendra aux
hommes à vivre selon l'inspiration de leur cœur et indi-
quera dans quelles conditions cette inspiration est possible.
L'importance que Jésus
accordait à l'inspiration nous
permet de comprendre un grand nombre de passages des
évangiles qui, de prime abord, paraissent assez mystérieux.
C'est ainsi que, lorsque Jésus condamne les paroles vaines
(Mat. XII : 36), on comprend tout de suite qu'il fait allusion
à tous ceux qui parlent (ou écrivent) sans être inspirés.
« Etre inspiré ou se taire ", a dit Emerson dix-huit siècles
plus tard. Et c'est sans doute également dans ce sens que
l'on doit comprendre ce passage dans lequel il est question
du blasphème contre le Saint-Esprit :
Tout péché, tout blasphème sera
pardonné aux hommes,
mais le blasphème contre l'Esprit ne sera point pardonné.
Et si quelqu'un parle contre le Fils de l'homme, il lui sera
pardonné ; mais si quelqu'un parle contre le Saint-Esprit,
U ne lui sera pardonné ni dans ce monde, ni dans le mande
à venir (Mat.
XIi : 31, 32 et Mare III : 29, 30).
Il semble que Jésus mette là les hommes en garde contre
le danger qui consiste à parler contre le Saint-Esprit, c'est-
à-dire contre son
inspiration, à parler et à agir a
contre-
cœur (car l'inspiration vient du cœur). Et par extension, il
est évidemment tout aussi condamnable d'inciter les autres
à agir contre la « voix » de leur cœur, qui est inspiration,
qui est Saint-Esprit, qui est « conscience », qui est la
« voix » de Dieu dans l'homme, bref la Parole dont parle
Jean.
Il apparaît donc nettement
qu'en parlant du blasphème
•contre le Saint-Esprit, Jésus
s'élève avant tout contre toute
espèce de contrainte exercée sur soi-même ou sur les autres.
C'est là l'unique péché
pour lequel il n'y a point de
rémission.
EXPLICATION DES TERMES
33
II n'est toutefois pas exclu que le blasphème contre
l'Esprit
ait encore un autre sens qui ne serait d'ailleurs pas
en contradiction avec celui que nous venons de révéler, mais
qui en serait en quelque sorte complémentaire. Dans
l'Evangile de Jean, Jésus parle de l'Esprit
de vérité (Jean
XIV et XV). Or, dans un de ces passages, au lieu de dire
Esprit de vérité, Jésus dit l'
Esprit-Saint (Jean XIV : 26) ;
par conséquent, il est
permis d'en déduire que le Saint-
Esprit et V Esprit de vérité ne font qu'un et qu'en réalité
il s'agit du « Saint-Esprit de vérité ». Nous verrons plus
loin que l'amour de la vérité (et son corollaire inévitable,
la haine du mensonge et de l'hypocrisie) constitue le trait
caractéristique de la pensée de Jésus. Il en résulte que le
blasphème contre l'Esprit peut
signifier également la mau-
vaise foi, l'altération voulue de la vérité. Mais entre ces'
deux interprétations, il n'y a pas de contradiction car
l'homme inspiré est vrai, alors que celui qui parle ou agit
sans inspiration est foncièrement faux. La présence du Saint-
Esprit dans l'homme se traduit donc essentiellement par sa
sincérité.
Sans cette sincérité envers soi-même et envers les
autres, l'homme se trouve en état de rupture avec Dieu et
il n'y a point de salut pour lui.
Tous les termes que nous avons passés jusqu'à
présent en
revue comportent la notion de Dieu : le Royaume de Dieu
est la présence de Dieu dans les relations humaines, la
vie éternelle est la sensation de Dieu en soi (état de « grâce »),
la résurrection des morts est le retour à ce contact avec Dieu
(qui est Vie} après une rupture et une " absence >' de Dieu
plus ou moins longue. Enfin, le Saint-Esprit est la « voix »
de Dieu en nous qui nous guide vers la réalisation du
Royaume de Dieu et vers la vie éternelle.
Abordons maintenant trois autres termes qui semblent
de toute autre nature, mais qui ont leur importance pour
la bonne compréhension de l'ensemble. Il s'agit des
« anges », du « diable » et des « esprits impurs » et nous
verrons que, là encore, il ne s'agit pas d'entités mystérieuses
mais de réalités toutes simples se
rapportant au domaine
de la psychologie.
Page 35
......à toutes sortes de misères et de
souffrances. La légende est
amusante, mais ce qui nous intéresse ici c'est de nous rendre
compte si cette notion de « diable » ne
correspond pas à
quelque chose de réel dans l'âme humaine?
.
Il semble qu'il y ait toutes les raisons d'affirmer que le
« diable » correspond à l'intellect. N'est-il pas d'ailleurs
souvent appelé le Malin ? (Mat. V : 37). Ce qui est tout à
fait significatif. Une autre indication importante, c'est
qu'avant sa « chute », le diable portait le nom de Lucifer,
c'est-à-dire porteur de Lumière. Précisément « porteur de
Lumière » et non la Lumière, car l'intellect ne transmet la
Lumière qu'à condition d'être relié au cœur. Dieu est l'union
de l'Intelligence et de l'Amour. L'Intelligence sans Amour
n'est plus Dieu. On se demande même si, dans ce cas,
l'Intelligence vraie persiste car l'intellect livré à lui-même,
n'est plus qu'une « machine à calculer
».
Tout psychologue sait que
l'unité de l'âme humaine est
compromise à partir du moment où l'intellect se trouve
séparé du cœur. « Science sans conscience
n'est que ruine
de l'âme », a dit très justement Rabelais. L'intellect doit
être au service du cœur. S'il s'en détache (la chute de
Lucifer), il devient générateur d'égocentrisme, de séparation,
d'esprit de calcul et de profit, ce qui aboutit fatalement
dans le monde aux antagonismes, aux conflits d'intérêts,
à la haine, aux destructions et à la souffrance.
La notion du diable se confond donc avec celle de la
divi
sion. Division à l'intérieur de l'âme humaine
d'abord (entre
l'intellect et le
cœur) et sa conséquence inévitable : division
entre les hommes dans le monde. Or, comme a dit Jésus :
Tout royaume divisé contre lui-même ne
peut subsister
(Mat. XII : 25). L'intellect séparé du
cœur, ou le diable,
apparaît donc comme un facteur de destruction et d'anéan-
tissement, aussi bien pour l'individu que pour l'espèce;
A maintes reprises, Jésus
parle du Malin. Dans son
oraison dominicale il demande au Père de nous délivrer du
Malin (Mat. VI : 13), ce qui
revient à dire de libérer notre
âme de l'emprise d'un intellect égocentrique. Satan qui
tente Jésus dans le désert (Mat. IV : 1-li) c'est encore l'intel-
lect qui lui suggère de s'occuper de choses matérielles
(transformer les pierres en pains), de rechercher la puissance ......
36
CE QUE 1ÉSUS VOULAIT DIRE
........ et la gloire (la
possession de tous les royaumes du monde
et leur gloire). Mais ces perspectives
ne donnent à, Jésus
aucun vertige, il ne veut pas « se jeter
en bas » et rappelle
au diable son rôle véritable en disant : T
u adoreras
le
Seigneur ton Dieu et tu le serviras lui
seul, ce qui
revient à dire que le rôle de
l'intellect est de servir le
cœur.
Par
ailleurs, Jésus appelle ceux chez qui l'intellect est
séparé du cœur : fils du Malin, et précise que c'est le diable
qui sème cette mauvaise herbe (Mat. XIII : 38, 39).
Aux
Juifs qui le persécutent, il dit ; Vous avez pour père
le diable et il donne au sujet de ce dernier les précisions
suivantes : il ne se tient pas dans la vérité parce qu'il n'y
a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère un mensonge il
parle de son propre fond, car il est menteur et père du
mensonge (Jean VIII : 44). Gomment ne pas reconnaître
dans cette description l'intellect créateur d'illusions, l'intel-
lect qui fait miroiter de trompeuses « tentations » ?
Dans un autre endroit, lorsque Pierre cherche à persuader
-Jésus d'être « raisonnable », Jésus va jusqu'à le traiter de
Satan (Mat. XVI : 23).
Mais le passage le plus
significatif ' est sans doute celui
où Jésus dit : Je voyais Satan tomber du ciel comme un
éclair (Luc X : i9). N'est-ce
pas l'image même de l'intellect
se détachant de l'âme humaine (du ciel}
? La rupture de
l'unité, le début du dualisme 1
Toutes ces paroles de Jésus
confirment notre point de
vue : pas plus que les anges, le diable n'a d'existence en
soi. Ce n'est qu'une partie de l'âme
humaine, — l'intellect.
Cet intellect a, bien sûr, son utilité et ne devient « mauvais »
qu'à partir du moment où il se sépare de l'ensemble et
usurpe le rôle directeur qui revient au cœur. Mais le retour
à l'unité originelle est toujours
possible et l'amour en est
l'accomplissement.
Ce drame psychologique que
connaissent beaucoup de
consciences et que subit peut-être, dans une certaine mesure,
l'humanité entière rappelle étrangement la légende du
paradis perdu. Certains êtres, et Jésus était de ceux-là, arri-
vent à se libérer de Satan (de l'intellect), redeviennent fils
de Dieu et retrouvent le paradis de l'amour et de l'unité.
•42
CE QUE JÉSUS
VOULAIT DIRE
Jésus désignait ce que nous appelons actuellement
« cœur ».
Eh bien, aussi stupéfiant que cela puisse paraître, c'est le
, mot « Dieu » qui, dans la bouche de Jésus, exprimait notre
notion du « cœur ». Dieu qui est amour. Dieu qui est
miséricorde. Dieu qui est compassion aux souffrances
humaines. Et la parole de Dieu (v. Mat. XV : 6) est celle
qui vient du cœur, qui est inspirée par l'amour. De même,
le « Christ », c'est l'homme qui perçoit les impulsions de
son cœur, l'homme qui est en contact avec Dieu en lui et
qui l'exprime par ses paroles et par ses actes.
Si nous nous sommes arrêtés aussi longtemps sur cette
notion du cœur, c'est parce qu'il est capital de comprendre
le sens qu'avait pour Jésus le mot « cœur » et surtout celui
qu'il n'avait pas.
le monde.
Un autre mot qui peut prêter
à, confusion
est le mot
« monde ». On sait, en effet, que ce mot a plusieurs sens.
Le premier, le plus vaste, celui d'Univers («
Le Monde est
infini »). Le second, déjà
plus rétréci, celui de la planète
Terre (« Le tour du monde en 80 jours
»). Le troisième,
encore plus restreint, puisqu'il sert à,
désigner une partie
de l'humanité, on parle bien du « monde hellénique » et
on dit le « nouveau monde » en parlant de l'Amérique.
Dans le quatrième sens, le mot « monde » est synonyme des
mots « sphère », « domaine » : <( le
monde intérieur », v le
monde des affaires », etc. Enfin, le cinquième
sens du mot
monde est plus étroit encore : c'est celui qui désigne un
certain milieu social.
Fort heureusement, au temps de Jésus, le mot « monde »
n'avait que deux significations : celle d'Univers et celle du
milieu social en général, mais c'était déjà suffisant
pour
créer de multiples confusions qui
furent désastreuses.
Pris dans son sens le plus large, le mot « Monde » (que
nous écrirons désormais avec un grand M) désigne l'en-
semble de tout ce qui existe et se confond ainsi avec' la
notion de Dieu.
Dans les évangiles, les passages où le mot « Monde » a .......
EXPLICATION
DES TERMES 45
la
LUMIÈRE ET LES TÉNÈBRES.
Le thème de l'antagonisme entre la lumière et les ténèbres
traverse tout l'Evangile, Le mot « lumière » y est pris par-
tout au sens figuré et signifie Intelligence. Quant au. mot
« ténèbres », il sert à désigner à
juste titre l'absence de la
lumière de l'intelligence/autrement
dit la bêtise.
A
ceux qui sont venus l'arrêter, Jésus dit : C'est
ici votre
heure et la puissance des ténèbres (Luc
XXII : 53).
les
élus.
Jésus désigne par ce terme les êtres « accomplis " (1),
c'est-à-dire pleinement développés. Il les appelle aussi par-
fois enfants de Dieu (Jean XI : 52) et enfants de la Lumière
(Luc XVI : 8, et Jean XII : 36). Nous aimons mieux ces deux
dernières appellations car le terme « élus " est impropre.
Il tombe sous le sens que ces êtres n'ont pu être « élus »
par personne, car toute « élection » ou préférence dans ce
domaine serait arbitraire et constituerait une injustice
criante. Les soi-disant « élus » sont simplement des êtres
doués à leur naissance d'Intelligence et de Cœur et qui,
de ce fait, sont lés plus parfaites manifestations de Dieu
et les plus puissants émetteurs de la Lumière. Il s'agit
somme toute des êtres « réussis » et qui ont eu la chance
de se développer dans un milieu qui a favorisé leur plein
épanouissement. C'est à travers ces êtres que Dieu agit dans
le monde. Jésus dit en effet : Mon père agit jusqu'à -présent,
moi aussi j'agis (Jean V : 17). Malheureusement, comme
Jésus l'a constaté lui-même, ces êtres sont extrêmement
rares : II y a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus (Mat.
XXII : 14). Ils n'en sont que d'autant plus précieux et
Jésus les désigne ailleurs comme étant la Lumière du
monde et le sel de la terre. Hélas ! Dans certaines circons-
tances défavorables, ce sel risque de perdre sa saveur et
n'est plus bon qu'à être foulé aux pieds par les hommes
(Mat. V •.13).
(1) Tout disciple accompli sera comme son
maître, dit Jésus
(Luc VI : 40).
I. -— LES ÉLÉMENTS
TRADITIONNELS
DE L'ENSEIGNEMENT DE JÉSUS
Les éléments traditionnels de
l'enseignement de Jésus
sont : l'accomplissement de la volonté
de Dieu, la solidarité
humaine, la paix universelle, la tolérance et le détachement.
L'ACCOMPLISSEMENT DE LA VOLONTÉ DE
dieu.
La préoccupation essentielle de Jésus était d'accomplir
" la volonté de Dieu ». Tout au long des quatre évangiles
nous trouvons des passages' où il en parle : Ce n'est pas
quiconque me dit : Seigneur ! Seigneur ! qui entrera dans
le Royaume des deux mais seulement celui qui fait la
volonté de mon Père qui est aux deux (MaUh. VII : 21).
Quiconque fait la volonté de Dieu est mon frère, ma sœur
et ma mère (Marc III : 35). Que ta volonté soit faite sur terre
comme au ciel (Mat. VI : 10). Ma nourriture est de faire la
volonté de celui qui m'a envoyé et d'accomplir son œuvre
(Jean IV : 34). On pourrait reproduire encore beaucoup
d'autres passages où il est question de la volonté de Dieu,
mais ceux cités plus haut suffisent à démontrer l'importance
qu'y attachait Jésus.
Nous pensons que cette « volonté de Dieu » se
présente
chez l'homme sous un triple aspect.
Premièrement, c'est la «voix» de sa conscience,
autre-
ment dit les aspirations les plus nobles du cœur humain,
L'ENSEIGNEMENT
DE JÉSUS
la PAIX UNIVERSELLE.
Les recommandations concernant la
solidarité humaine
que nous venons de citer impliquent déjà la paix entre les
hommes, car ceux qui s'aiment vivent en paix et si l'on
va jusqu'à aimer
ses ennemis tout conflit devient
impossible.
Néanmoins, la paix entre les hommes devait représenter aux
yeux de Jésus une telle importance qu'il semble y insister
d'une façon toute particulière. Dans les Béatitudes, il
déclare : Bienheureux ceux qui procurent la paix car
ils seront appelés fils de Dieu (Mat. V : 9).
Dans le même Sermon sur la Montagne, Jésus attire
encore deux fois l'attention de ceux qui l'écoutent sur l'im-
portance de la paix dans les relations humaines : Vous avez
entendu ce qui a été dit aux anciens : Tu ne tueras point ;
celui qui aura tué sera passible du jugement. Mais moi je
vous dis : Quiconque se mettra en colère contre son frère
sera passible du jugement (Mat. V : 21), et il recommande
de ne vexer personne. Ensuite, voulant sans doute préciser
que les bonnes relations humaines comptent tellement plus
que les cérémonies religieuses, Jésus dit : Si donc lu apportes
ton offrande à l'autel et que là tu te souviennes que ton
frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant
V (autel et va d'abord te réconcilier avec tan frère
(Mat. V : 23) et plus loin : Hâte-toi de te mettre d'accord
avec ton adversaire (Mat. V : 25).
A ses disciples Jésus dit : Ayez du sel en
vous et vives
en paix (Marc IX : 51), ou encore : Je vous Caisse la paix,
je vous donne ma paix (Jean XIV : 27). Il leur recommande
de dire en entrant dans une maison : Que la paix soit sur
cette maison (Luc X : 6) et lui-même dit à maintes reprises
à ceux qu'il guérit : va en paix (Marc V : 34).
Condamnant les conflits entre les individus
isolés, Jésus
s'élève également contre les conflits entre les peuples. Les
guerres au cours desquelles une nation s'élève contre vsne
nation et un royaume contre un royaume (Mat, XXIV : 7)
représentent pour lui l'abomination de la désolation (Mat.
XXIV : 15).
Toutes les
divisions sont désastreuses pour les hommes
et Jésus les flétrit en ces termes : Tout royalisme
divisé contre....
66
CE QUE JÉSUS VOULAIT
DIRE
.....lui-même
est dévasté et toute ville
ou maison divisée contre
elle-même
ne peut subsister (Mat. XII : 25). Et Luc
rapporte
ces mêmes paroles sous la forme suivante :
Tout royaume
divisé
contre lui-même
est réduit
en désert et ses maisons
s'écroulent
l'une sur l'autre
(Luc XI : 17). En lisant
cette
description on ne peut s'empêcher de faire un rapproche-
ment avec les effets des bombardements.
Dans un autre passage de
l'évangile de Luc, Jésus pleure
sur Jérusalem, c'est-à-dire probablement sur toute ville d'un
pays qui sera en état de guerre et il
dit : II viendra sur toi
des jours où tes ennemis t'environneront
de tranchées,
t'enfermeront et te serreront de toutes parts ; ils te détrui-
ront toi et tes enfants au milieu
de toi et ils ne laisseront
pas en toi
pierre sur pierre (Luc XIX : 43, 44), et
il précise
que toutes ces horreurs
pourraient être évitées : si tu avais
reconnu,
au moins en ce jour qui t'est donné (c'est-à-dire
avant qu'il ne soit trop tard) ce que pouvait
te donner la
paix i. (Luc XIX : 42).
Pour Jésus, ceux qui
acceptent le recours à la force, c'est-
à-dire la guerre, se condamnent eux-mêmes à la mort : car
tous ceux qui tireront l'épée périront par l'épée (Mat.
XXVI : 52).
Mais Jésus ne désespère pas dans l'avenir. Le
royaume de
D'ieu, celui où régneront l'amour et la paix, finira bien par
se réaliser sur terre et il prédit qu'il en viendra de l'Orient
et de l'Occident, du Nord et du Midi et ils se mettront à
table dans le Royaume de Dieu (Mat. VIII : il et Luc XIII :
24) (1). A ce moment, le temps des nations
sera accompli
(Luc XXI : 24), c'est-à-dire révolu, car l'humanité formera
désormais un seul troupeau et n'aura qu'un seul berger
(Jean X : 16). Dans ce monde uni toute guerre deviendra
impossible. Jésus ne dit pas qui sera ce seul berger. Sera-ce
un Gouvernement Mondial ? — Nous pensons plutôt que ce
sera Dieu lui-même qui s'exprimera par la voix de la cons-
cience dans le cœur de tous.
(1) Cette table rappelle étrangement celle des conférences
inter-
nationales, mais sûrement pas celles
qui se déroulent actuellement
car l'atmosphère du Royaume de Dieu y manque totalement. D'ail-
leurs, le < temps des nations » n'est
pas encore révolu .......
......menteur et le père du
mensonge (i).
Et mon parce que je dis
la vérité vous ne me croyez pas
(Jean VIII : 44-46).
Celui qui est de Dieu écoute les
paroles de Dieu ; vous
n'écoutez pas parce que vous n'êtes
pas de Dieu (Jean
VIII :
47). En d'autres termes, on pourrait dire : «
Celui qui a du
cœur, écoute celui qui parle avec son cœur, mais celui qui
n'a pas de cœur ne l'écoute pas ». L'homme qui vit selon
son cœur est vrai et spontané, alors que celui qui ne perçoit
rien de son cœur et qui, par conséquent, n'agit que par
intérêt et par calcul, a toujours quelque chose de faux et de
sournois. Il peut évidemment faire semblant d'aimer son
prochain, mais cet « amour n ne peut être que factice jus-
qu'au jour où, cessant toute comédie psychologique et
sociale, il arrive à percevoir quelque chose de vrai « au
dedans de lui » et à le manifester.
L'action de Jésus consistait précisément à amener l'homme
à être sincère (c'est-à-dire vrai) envers lui-même et envers
les autres. C'est pourquoi il avait le droit de dire, en
parlant de son enseignement, que c'est le chemin, la vérité
et la vie et qu'il n'y a pas d'autre voie pour découvrir Dieu
en soi (v. Jean XIV : 6. 7).
Mais Jésus n'a jamais eu la prétention d'être le. seul
dépositaire de la vérité, il était simplement un pionnier sur
une voie ouverte à tous. Et il allait jusqu'à déclarer : En
vérité en vérité je vous le dis, celui qui croit en moi (c'est-
à-dire celui qui a confiance dans son enseignement) fera aussi
les œuvres que je fais e t il en fera de plus
grandes (Jean XIV : 12).
Et lorsque Jésus annonce
qu'un jour viendra son défen-
seur, celui qui rendra témoignage de lui (Jean XV : 26), il
l'appelle Esprit de vérité (v. Jean XIV :
17 et XVI :
13 et 15)
et il dit de ce dernier qu'il conduira les hommes dans toute
la vérité (v. Jean XVI : 13).
Et même dans les
circonstances tragiques de son arresta-
tion, Jésus interrogé par Ponce Pilate dit encore : Je suis
né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage
à la vérité (Jean XVIII : 37). Ce à quoi Pilate, qui a dû
(1) Nous avons vu déjà dans la première partie que le «
diable »
désigne l'intellect séparé du cœur, — l'esprit de calcul, créateur de
trompeuses illusions, destructeur de la vie.
CE
QUE JÉSUS VOULAIT DIRE
En effet, le Sermon sur la Montagne
commence par cette
invitation à se « désencombrer » l'esprit : Bienheureux les
pauvres en esprit, car le Royaume des deux est à
eux !
(Mat. V : 3). Le mot « pauvre » désigne celui qui n'a rien,
qui est démuni et l'expression
"pauvre
en esprit caractérise
celui dont l'esprit n'est pas chargé, n'est pas encombré.
Hélas ! cette « pauvreté »
en esprit ne se retrouve généra-
lement que chez les enfants dont l'esprit n'a pas encore été
encombré et c'est ce qui explique qu'en maints endroits
Jésus donne ces derniers en exemple :
Laissez venir à moi
les petits
enfants et ne les en empêchez
pas, car le Royaume
de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent.
Je vous le dis
en vérité,
quiconque ne recevra pas le Royaume de Dieu
comme un petit enfant n'y
entrera point (Luc XVIII :
16, 17).
Et dans un autre passage il -est encore plus précis :
Je te
loue.
Père, Seigneur du ciel et de la terre,
de ce que tu
as caché ces choses aux sages
et aux intelligents
et que tu
les as révélées aux petits enfants
(Luc X :
21 et Mat. XI : 25).
Il est évident que Jésus a dû dire « intellectuels » et non
intelligents car les enfants peuvent être très intelligents,
et
même beaucoup plus intelligents que
la plupart des adultes 1
Mais la confusion entre les deux termes est tellement
fréquente qu'il n'est pas étonnant qu'elle ait été faite
par
ceux qui nous ont rapporté ces paroles,
c
Marc nous relate un épisode amusant où, une fois
de
plus, éclate l'insuffisance de tout ce qui n'est qu'intellectuel.
A un scribe qui lui récite avec beaucoup de « brio » tous
les commandements, Jésus dit ironiquement : Tu n'es pas
loin du Royaume de Dieu (Marc XII : 28-34), ce qui revient
adiré : « Tu tournes autour, mais tu n'y es pas » 1
Dans la première partie de ce livre, dans le
chapitre au
sujet du « diable », nous avons vu le rôle néfaste que peut
jouer l'intellect, car étant « encombré », il empêche l'homme
de percevoir la voix de son cœur. C'est ce cœur qui est le
vrai « Seigneur ». Ce qui donne toute leur signification
aux paroles : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez
ses sentiers (Mat. III : 3). Hélas ! cet appel reste toujours
la voix de celui qui crie dans le désert' ! \ • .
Un intellect encombré est le principal obstacle,
pour ne
pas dire le seul, qui sépare l'homme de Dieu qui est en Iui
....
^'ENSEIGNEMENT
DE JÉSUS 87
.....et ce n'est pas
l'adultère, en tant qu'infidélité conjugale,
que Jésus condamnait, mais tout amour adultéré ! Or
l'amour est adultéré à partir du moment où un homme et
une femme « font une seule chair » sans qu'il y ait amour
entre eux. Il en résulte que l'amour tout ce qu'il y a de
plus conjugal, béni par le prêtre et autorisé par la loi,
peut être un amour adultéré lui aussi et combien souvent
c'est le cas ! Toute prostitution est un amour adultéré,
même lorsque cette prostitution est légale, comme dans un
« mariage de raison ». Tout viol, est un amour adultéré
et combien de nuits de noces ne sont que des viols ! Enfin,
toute convoitise est un amour adultéré car la convoitise, est
un désir sans amour, sans réciprocité. Et combien Jésus
avait raison de dire que celui qui regarde une femme avec
convoitise, c'est-à-dire celui qui ne l'aime pas mais qui veut
uniquement satisfaire un « besoin » commet déjà un amour
adultéré dans son coeur (v. Mat. V : 28). Mais la convoitise
tourmente précisément ceux qui sont frustrés d'amour, et
ils sont tellement nombreux lorsque l'amour est réglementé !
S'il ne faut pas séparer ceux qui sont unis par
Dieu, cela
implique qu'il ne faut pas non plus obliger à rester ensemble
et à accomplir leur « devoir conjugal » ceux que Dieu
n'unit plus, et c'est sans doute par ce raisonnement combien
logique ! que Jésus arrive à se prononcer contre le mariage.
Il dit en effet : Les enfants de ce siècle prennent des femmes
et des maris, mais ceux qui seront trouvés dignes d'avoir
part au siècle (au monde) à venir et à la résurrection des
morts ne -prendront ni femmes, ni maris (Luc XX : 34, 35),
ce qui ne veut aucunement dire qu'ils ne s'aimeront plus 1
Et dans un autre passage Jésus est encore plus précis : A
la résurrection, les hommes ne prendront point de femmes,
m les femmes de maris, mais ils seront comme tes anges
de Dieu dans le ciel (Mat. XXI'I : 30 et Marc XII : 25),
c'est-à-dire s'aimeront librement. Nous savons déjà ce
qu'entendait Jésus par la « résurrection » et qui étaient pour
lui « les morts » et « les vivants ». Quant aux anges, il est
clair que pour Jésus c'étaient les êtres libres, légers, insou-
ciants, proches de Dieu dans le « ciel », c'est-à-dire éprou-
vant de l'amour dans leur âme.
Il apparaît avec évidence que tout le malentendu au ......
Quand aux incroyants, quelques exégètes mis
à part, il ne se sont guère donné la peine d'étudier ces textes, les
rejetant en bloc. Ce qui
est également fort regrettable, car le véritable enseignement
de Jésus est d'une grande beauté et d'une merveilleuse
élévation morale.
En employant le langage même d'une parabole
de Jésus,
nous pensons que le temps est venu d'arracher « les mau-
vaises herbes » des évangiles, de les lier et de les brûler
(v. Mat. XIII : 30). Mais avant d'entreprendre l'arrachage
des mauvaises herbes proprement dites (qui sont les absur-
dités et les passages immoraux), nous pensons qu'il est utile
de mettre à jour quelques-unes des contradictions qui abon-
dent dans les quatre évangiles. La présence de ces « erreurs
de rédaction » dans les textes dits « sacrés » constitue la
meilleure preuve que ces derniers méritent d'être revus
et corrigés. |
114
CE QUE JÉSUS VOULAIT DIRE
II. — LES ABSURDITÉS
Dès le premier chapitre de
Matthieu tout un monde sur-
naturel, et selon toute évidence purement imaginaire, fait
irruption dans les évangiles. La
croyance aux esprits et aux
miracles se retrouve dans les légendes de tous les peuples
primitifs. Il était normal qu'il en fût de même pour le peuple
juif. Quelques-unes de ces légendes ont d'ailleurs
beaucoup
de charme et se présentent sous la forme de véritables créa-
tions artistiques et littéraires. A condition de ne pas ressem-
bler à des images
d'Epinal, elles
ne font pas plus de mal.
que les contes de fées, ou la croyance des enfants au Père
Noël. Là où les choses se gâtent, c'est lorsqu'à l'âge mûr
on continue à prendre toutes ces fictions au sérieux. Alors
l'adulte vit dans un monde imaginaire et paye forcément
d'une façon ou d'une autre sa rupture avec le réel, autre-
ment dit avec Dieu.
C'est pour cela que nous pensons qu'il est
indispensable
de supprimer des évangiles toutes les .absurdités et toutes
les aberrations qui y abondent et auxquelles un grand nom-
bre d'adultes persistent à croire. Ce merveilleux à bon mar-
ché n'ajoute rien à l'enseignement de Jésus qui est suffisam-
ment captivant par lui-même pour se passer de ces
simagrées.
Estimer Jésus parce qu'on trouve dans ses paroles
l'expres-
sion de sa propre conscience, — rien n'est plus normal.
Mais « croire » en Jésus parce qu'il serait né d'une façon
invraisemblable ou parce qu'il aurait fait des miracles, qui
sont 'un défi aux lois naturelles « établies » par Dieu, c'est
selon toute évidence faire preuve d'une mentalité de pri-
mitif.
Les anges jouent un grand rôle dans les quatre évangiles.
Ils apparaissent aux humains endormis ou éveillés pour leur
apporter des messages ou pour leur donner des avertisse......
120
CE QUE JÉSUS VOULAIT DIRE
Dans « le miracle de la transfiguration » (Mat. XVII : 1-9,
Marc IX, : i2-8i ; Luc IX : 28-39), Jésus rencontre sur la
montagne Moïse et Elie, deux prophètes juifs morts depuis
fort longtemps, et s'entretient avec eux. En même temps,
son visage devient resplendissant comme le soleil et ses
vêtements blancs comme la Lumière. Tout cela bouleverse
Pierre au point qu'il voudrait rester dans ce lieu et y faire
du « camping ». Il propose en effet à Jésus de dresser trois
tentes, une pour lui, une pour Moïse et une pour Elie. A ce
moment, une nuée lumineuse les couvre et une voix se fait
entendre du. ciel. Les disciples sont saisis d'une grande
frayeur et tombent sur leur face. Puis tout rentre dans
l'ordre. On se demande ce qui s'est passé au juste ? Les
disciples de Jésus auraient-ils mâché du hachisch qui donne,
à ce qu'il paraît, des visions de ce genre, ou bien est-ce
pure invention ? En tout cas, on se demande à quoi bon
tout cela ? Qu'est-ce que toute cette fantasmagorie peut ajou-
ter de plus à la grandeur de Jésus ? Cela n'a pas plus
d'effet que n'aurait un feu d'artifice en plein soleil. Dans la
cinquième partie, on trouvera une hypothèse de ce qui a dû
vraisemblablement se passer au cours de cette promenade
sur la montagne.
*
« *
Avec « le
miracle du statère » (Mat. XVII : 24-27), l'ab-
surde devient burlesque. Décidant de payer un impôt sur
le culte pour n'avoir pas d'ennuis, Jésus envoie Pierre à la
pêche et lui dit qu'il trouvera un statère (petite pièce de
monnaie) dans la bouche du premier poisson qu'il aura
attrapé.
Personne n'ignore
qu'il y a de gros « requins » qui avalent.
d'énormes fortunes, mais on a du mal à imaginer des pois-
sons qui sucent de petites pièces de monnaie en guise de
pastilles de menthe ! Rendons toutefois justice à Marc, Luc
et Jean, car ils ne parlent point de ce « miracle
».
*
« *
Reste enfin le « miracle de la résurrection de Lazare »,
raconté par Jean seul (Jean XI : i-46). La façon dont il.....
LES
MAUVAISES HERBES DES QUATRE ÉVANGILES
121
......présente ce miracle n'est pas
très favorable à Jésus. En effet,
tout en sachant qu'il va « ressusciter » Lazare, Jésus pleure.
Plus loin on lui fait dire : Père, je te rends grâce de ce que
lu m'as exaucé. Pour moi je savais que
tu m'exauces
tou-
jours,
mais j'ai parlé à cause de la
foule qui m'entoure (Jean XI : 42). Ceci laisse
supposer que Jésus pleurait aussi à cause de la foule. Nous
pensons que les choses ont dû se passer tout autrement
que ne les présente Jean et nous verrons plus loin ce qui
a pu obliger Jésus, malgré son horreur du mensonge,
à parler à cause de la foule.
Après
avoir passé en revue tous ces '< miracles », on peut
se demander pourquoi les évangélistes les ont mêlés à
leurs récits ?
De deux choses
l'une : ou bien il faut attribuer à Jésus
un extraordinaire talent d'illusionniste et considérer les faits
rapportés comme des actes de prestidigitation et de super-
cherie ; ou bien il faut admettre que ce ne furent qu'inven-
tions de la part des auteurs des évangiles.
Nous pensons que la
première hypothèse est à écarter.
Un être de l'envergure morale de Jésus n'aurait jamais pu
avoir recours à de pareils procédés, même s'il en avait eu
les moyens. D'ailleurs son affirmation citée plus haut
(Marc VIII : 12) est formelle : il
n'avait pas l'intention de
faire des miracles, aucun miracle !
La deuxième hypothèse devient donc une certitude. Les
auteurs des évangiles ont introduit les récits de ces miracles
pour frapper l'imagination des foules et les forcer à « croire
en Jésus-Christ ». C'était un n mensonge pieux ». Mais on
peut se demander s'il n'a pas obtenu auprès d'un grand
nombre d'êtres un effet contraire et si beaucoup ne se sont
pas détournés de l'enseignement de Jésus à cause de toutes
les absurdités qui y étaient surajoutées? En tout cas, c'est
ce qui se produit actuellement, c'est pourquoi nous pensons
qu'il est grand temps d'extirper toutes ces « mauvaises
herbes », et les récits des miracles sont parmi les plus enva-
hissantes et les plus dangereuses. Quand on aura enlevé toutes
les inepties qui étouffent « la Parole », Jésus apparaîtra plus
grand et plus sublime que jamais.
LES MAUVAISES
HERBES DES QUATRE ÉVANGILES 123
....au sujet de Jésus:
II ne brisera
point le
roseau froissé
(Mat. XII : 18).
:
Le premier jour des pains sans levain, Jésus décide
de
prendre le repas de la Pâque
avec ses disciples. D'après
Matthieu (XXVI : 17-19), il leur dit :
Allez à la ville
chez
un tel et
préparez le repas. Mais cela a paru trop
simple
à Marc et à Luc et voilà qu'ils font dire à Jésus : Allez à la
ville, vous y rencontrerez un homme portant une cruche
d'eau, suivez-le dans la maison où il
entrera et dites au
maître de la maison : Le maître dit : Où est le lieu où je
mangerai ta Pâque avec mes disciples ?
Et il vous montrera
une grande chambre haute, meublée et
toute prête : c'est
là que vous préparerez la Pâque (Marc XIV
: 13-15 et
Luc XXII : 9-12).
Comme si les miracles ne suffisaient pas, Marc et Luc ont
voulu, par dessus le marché, doter Jésus d'un extraordinaire
don de voyance. Après tout, une
absurdité de plus ou de
moins, qu'est-ce que cela pouvait bien
leur faire ?
Profitant du repas de la Pâque, Jésus fait à ses disciples
une sorte de cours de diététique et leur démontre de quoi
l'homme devrait se nourrir. Il leur explique que le pain est
un aliment complet qui apporte au corps tous les éléments
dont il a besoin et que les fruits procurent les meilleures
des boissons car leur jus, le jus de raisin notamment, se
rapproche le plus de la composition de notre sang et que,
par conséquent, il faut se nourrir essentiellement de céréales
et de fruits qui, après la digestion, se transforment en corps
et en sang.
On sait ce. que l'on a fait de ces sages conseils
: une invita-
tion au cannibalisme ! En effet, on fait dire à Jésus au cours
de la « sainte cène », à propos du pain : Prenez, mangez,
ceci est mon corps et à propos du fruit de la vigne : Buvez-
en tous, car ceci est mon sang (Mat. XXVI : 26-29 ; Marc
XIV : 22-25 ; Luc XXII : 17-20). On a déduit de ce passage
que le pain et le vin étant « bénits » par le prêtre, se transformaient
mystérieusement en corps et sang de Jésus et
qu'il fallait en absorber pour être « purifié des péchés » et
on institua un rite grotesque auquel tout le monde fut
convié, même les petits enfants, conçus, comme on le sait,
« dans le péché ».......
LES MAUVAISES HERBES
DES QUATRE ÉVANGILES 135
.....promettre aux yeux de ceux pour qui tous les hommes sont
frères
Pour la même raison, il faut
rejeter comme inconvenant
le passage suivant qui se trouve, hélas 1 également dans le
Sermon sur la Montagne : Ne donnez pas ce
qui est saint
aux chiens et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux,
de peur qu'ils ne les foulent aux pieds et que se retournant
ils ne vous déchirent
(Mat. VII : 6). Selon toute évidence,
il s'agit des hommes, qui sont tous
des « enfants de Dieu »
et, par conséquent, ne doivent être comparés ni à des chiens,
ni à des pourceaux'1
Selon Matthieu,
Jésus dit dans le X" chapitre (versets 14
et 15) qu'au jour du Jugement
les maisons et les villes .où
l'on n'aurait pas reçu ses disciples seront traitées plus rigou-
reusement que Sodome
et Gomorrhe.
Lorsqu'on se souvient
que, d'après l'Ancien Testament, Sodome et Gomorrhe
furent brûlées et anéanties, on recommence à éprouver un
certain malaise, comme tout à l'heure au sujet du natio-
nalisme juif. Cette
impression se précise lorsque, dans le
chapitre suivant, on entend Jésus faire avec véhémence
le
procès des villes impénitentes : Alors,
il se met
à faire
des
reproches aux villes dans lesquelles avaient eu lieu la
plupart de ses miracles,
parce qu'elles
ne s'étaient pas
repenties. Malheur à toi Chorazin
! Malheur
à toi Bethsaïda
1
car si les miracles qui ont été faits au milieu de vous avaient
été faits
dans Tyr
et dans Sidon,
iî y a
longtemps qu'elles
se seraient repenties en prenant le sac et la cendre.
C'est
pourquoi je vous le dis : au jour du Jugement,
Tyr et
Sidon seront traitées moins rigoureusement
i
que vous. Et
toi, Capemaùm,
seras-tu élevée jusqu'au ciel? Non! Tu seras
abaissée
jusqu'au séjour des morts ; car si les miracles qui
ont été faits au milieu de toi avaient été faits dans Sodome,
elle subsisterait encore aujourd'hui. C'est pourquoi je vous
dis : au jour du Jugement, le pays de Sodome sera traité
moins rigoureusement que toi (Mat. XI : 20-24
et Luc X .....
En réalité, Jésus a dû dire : « S'il est né aveugle, ce n'est
la faute de personne, pas plus la sienne que celle de ses
parents. Pourquoi cherchez-vous toujours « le péché » au
lieu d'essayer de comprendre quelle est la cause naturelle
de certaines maladies ? » |
L'épisode avec l'aveugle-né aurait
donné à Jésus l'occa-
sion de dire : Je suis venu dans ce monde pour
un jugement
•pour
que ceux qui ne voient
•point voient et que ceux qui
voient deviennent aveugles (Jean IX : 39). La deuxième partie
de cette phrase (pour que ceux qui voient deviennent
aveugles) est absurde et annule les bienfaits
que promet la
première. Un non-sens complet 1
En réalité, Jésus a dû dire : « Je suis
venu dans ce monde
des aveugles pour permettre à tous de voir clair. » Malheu-
reusement, Jean ne se contentait pas souvent des phrases
nettes et directes de Jésus et, avec son esprit tortueux, en
faisait d'absurdes sophismes
(1).
Tout au long du XXIII* chapitre de Matthieu, Jésus lance
des invectives contre les scribes et les Pharisiens, et emploie
fréquemment la formule : " malheur a
vous, scribes et
Pharisiens... ». Or, Jésus n'était pas homme à attirer le
malheur sur la tête de personne, même sur celle de ses
ennemis. Il s'agit probablement d'une mauvaise traduction
et c'est « honte à vous » qui devrait normalement figurer à
la place de « malheur à vous ». A moins que ce soit « mal-
heur à nous », ce qui est
également possible, car Jésus ....
(1) Rappelons encore une fois que
si nous affirmons que certains
propos prêtés à Jésus ne pouvaient pas être de lui, c'est uniquement
va nous référant aux grandes lignes de son enseignement, telles que
nous les avons dégagées dans la deuxième partie de ce livre. Si ces
grandes lignes sont exactes, tout ce qui ne cadre pas avec elles est
forcément faux. Ces mêmes grandes lignes nous permettent de
reconstituer intuitivement ce que Jésus a dû dire en réalité dans
telle on telle circonstance. Au lecteur de juger si nos intuitions lui
paraissent exactes on non.
CE QUE
JÉSUS VOULAIT DIRE
d'employer le verbe aimer au futur, c'est
tellement plus
intelligent que l'emploi du mode impératif :
aime, aimons,
aimez, alors que l'on sait que l'amour ne se commande pas.
Tu
aimeras ton prochain comme toi-même
revient à dire :
« II arrivera un jour où tu aimeras ton prochain
comme
toi-même, ce jour-là tu seras réellement un Homme ».
De même : Tu aimeras Dieu de toute ton âme, de
toute
ta pensée, de tout ton cœur et de toute ta force (Marc XII :
30) signifie que l'homme qui atteint la maturité
d'esprit
reste attaché à la Réalité et la préfère, quelle qu'elle soit»
à toutes les illusions. '
«
« "
En parlant des Pharisiens, Jésus dit : Et
n'appelez per-
sonne sur la terre votre Père, car un seul est votre Père,
celui qui est aux cieux (Mat. XXIII : 9). Et pourtant 1 —
« Révérend Père », « mon père », le Saint-Père »... Peut-on
désobéir à la recommandation de Jésus d'une façon plus effrontée ?
Où sera le cadavre, là
s'assembleront les aigles
(Mat.
XXIV : 28, et Luc XVII : 37).
Parole obscure. Faut-il
en
déduire que c'est dans une société
pourrie qu'apparaissent
les « aigles »? On a plutôt
l'impression que ce sont les
charognards qu'elle attire, mais il est possible qu'il y ait
.des exceptions. Jésus est bien apparu
parmi une génération
qu'il qualifiait lui-même de « méchante
» et de « perverse »
(v. Mat. XII : 39 et XVII :
i7).
Dans le VII*
chapitre de Marc, Jésus
dit : Ne comprenez-
vous pas que rien de ce qui du dehors
entre dans
l'homme
ne peut le souiller? Car cela n'entre
pas dans son cœur,
mais dans son ventre, puis s'en va
dans les lieux
secrets ;
ainsi tous les aliments sont-ils
purs (Marc
VII : i8, i9).
Si Jésus vivait à notre époque où la plupart des aliments
sont industrialisés et imprégnés de produits nocifs, il chan-
gerait sûrement d'avis, mais à son
époque où les aliments
étaient sains et naturels, il avait évidemment raison.
202
. CE
QUE JÈSVS
VOULAIT DIRE
;
.....le sachant
; puis
il apporta le reste,
et le déposa aux
pieds
des apôtres.
Pierre
lui dit : Ananias,
pourquoi Satan a-t-il
rempli ton cœur, au point que tu mentes au Saint-Esprit,
et que tu aies retenu une partie du prix du champ? S'il
n'eût pas été vendu, ne te restait-il
pas? Et, après qu'il
a
été vendu, le prix n'était-il pas à ta disposition? Comment
as-tu pu mettre en ton cœur un
pareil dessein ? Ce n'est
pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu. Ananias,
entendant ces paroles, tomba et expira. Une grande crainte
saisit tous les auditeurs. Les jeunes
gens, s'étant levés,
l'enveloppèrent, l'emportèrent et
l'ensevelirent.
Environ trois
heures plus tard, sa femme entra,
sans
savoir ce qui était arrivé. Pierre lui adressa la parole :
Dis-moi,
est-ce à un tel prix que vous avez
vendu le champ ?
Oui, répondit-elle, c'est à ce prix-là. Alors Pierre lui dit :
Comment vous êtes-vous accordés pour tenter
l'esprit du
Seigneur ? Voici, ceux qui ont enseveli ton mari sont à la
porte, et ils t'emporteront. Au même instant, elle tomba
aux pieds de l'apôtre,
et expira.
Les jeunes gens, étant
entrés, la trouvèrent morte ; ils l'emportèrent
et l'enseveli-
rent
auprès de son mari. Une grande crainte s'empara
de
toute l'assemblée et de tous ceux qui
apprirent ces choses
(Actes des
Apôtres V
: i-11).
.
Ce
récit permet de juger de la bonté d'âme de Pierre
et à quel point il était loin de la compréhension indulgente
dont faisait preuve Jésus.
Mais
ce n'est pas tout. Les mêmes Actes des Apôtres
nous apprennent qu'avec son ami Paul, le malin, qui joua
sur le chemin de Damas la comédie que l'on sait, Pierre
fonda l'Eglise qui n'a jamais cessé de trahir Jésus et son
enseignement. Alors, qui fut le véritable traître? Qui fut
celui que Jésus désigna parmi les douze comme un démon ?
On dit souvent : « L'histoire jugera », il nous semble qu'elle
a déjà jugé...
En
annonçant qu'un jour viendrait « l'Esprit de vérité »
qui lui « rendra témoignage », Jésus l'appelle
Paraclet
(v. Jean XIV : 16 et 26, XV : 26
et XVI : i3, 14). La plupart
des traducteurs traduisent ce mot par «
consolateur », maïs.....
214
CE QUE JÉSUS VOULAIT DIRE
Que signifie scandaliser un de ces petits ? — Nous pensons
qu'il s'agit du viol et du détournement des enfants qui
étaient, à ce qu'il paraît, pratiques courantes au temps de
Jésus et qu'il condamnait à juste titre, mais les « arran-
geurs » de textes, se croyant sans
doute très malins, ont
repris le même passage (Mat.
XVIII : 8, 9) pour l'attribuer
aux époux infidèles (voir Matthieu V :
27-32). Cette super-
cherie saute aux yeux car il est en effet invraisemblable que
les mêmes châtiments attendent celui qui donne « un coup
de canif dans le contrat de mariage » et celui qui viole un
enfant l
Certains passages des évangiles prouvent d'une
façon irré-
futable que le mot « adultère '» avait pour Jésus un sens
tout différent de l'expression « infidélité conjugale ». C'est
ainsi qu'en s'adressant à ses contemporains Juifs, Jésus les
traite de génération adultère et pécheresse (Marc VIII : 31)
et de méchante et adultère (Mat. XII : 39). Il est clair que
dans tous ces cas le mot « adultère » retrouve sa signification
originelle de : falsifié,
faux, altéré, corrompu.
Dans un autre passage, Jésus qualifie d'ailleurs sa généra-
tion de perverse (Mat. XVIII : 17). A en juger d'après l'An-
cien Testament, les perversions sexuelles étaient en effet très
répandues chez les Juifs. Il serait d'ailleurs étonnant qu'il
en fut autrement puisque c'est justement la réglementation
de l'amour qui, en entravant et en déviant l'énergie sexuelle,
crée des psychopathes et des monstres. S'en rendant compte,
Jésus voulait rendre à l'amour son caractère sacré, afin qu'il
soit libre et respecté au lieu d'être enchaîné et profané. On
sait ce que les hommes ont fait de cette partie de son
enseignement.
216
CE QUE JÉSUS VOULAIT DIRE
.... nécessaire à tout recueillement :
calme, solitude, concentra-
tion d'esprit. Nous voici donc fixés : la prière
telle que
l'entendait Jésus est avant tout un
état de recueillement.
Tous ceux qui connaissent cet état, savent que l'on en sort
retrempé et en mesure d'affronter toutes les difficultés de
la vie, c'est-à-dire d'obtenir « tout ce dont on a besoin ».
. La caractéristique principale de tout recueillement est la
concentration de l'esprit. Condition indispensable pour per-
cevoir Dieu qui est dans la profondeur de notre âme (« là
dans le secret»). Il en résulte que lorsqu'un homme prie,
ce n'est pas Dieu qui l'entend, mais c'est lui qui écoute et
gui entend « la voix du Seigneur», c'est-à-dire de la partie
«seigneuriale» de son âme, la partie la plus profonde et
en même temps la plus élevée. Toute la vie spirituelle
consiste au fond dans l'art d'écouter Dieu en soi. Et Jésus
dit bien d'ailleurs : lorsque vous priez, n'usez pas de vaines
redites et conseille de ne pas faire comme ceux qui pensent
être exaucés en parlant beaucoup (Mat. V : 6). Pourtant,
aussitôt après avoir dit cela, il donne le texte de la prière
dominicale. Mais la durée de récitation de cette dernière
prend à peine 30 secondes, par conséquent il ne s'agit là
sans doute que d'une sorte d'amorce pour entrer dans un
état de recueillement.. .
D'autre part, ceux à qui s'adressait Jésus étaient pour la
plupart des gens incultes qui ne savaient ni lire, ni écrire.
Nous, nous pouvons nous recueillir en lisant une belle poésie
ou en écrivant une lettre à un ami, il n'en était pas de même
pour ceux qui écoutaient Jésus,, il
fallait donc leur appren-
dre à réciter quelques simples
phrases sur lesquelles ils
pouvaient se concentrer.
,
Cette façon de procéder n'est d'ailleurs
qu'une sorte
d'exercice préliminaire pour surmonter la dispersion de la
pensée et l'agitation mentale. Petit à petite
la capacité de
se concentrer augmente et l'on n'a plus besoin de récitations,
qui ne sont au fond que dé vaines redites. Toute la vie
devient une sorte de « prière », car une fois le contact avec
Dieu bien établi, il peut se maintenir d'une façon quasi-
permanente. Il n'est même plus
nécessaire d'entrer dans sa
chambre, et de fermer la porte. Mais il peut arriver qu'après
avoir été « bousculé » dans le « monde », on ait l'impression.....
OBSERVATIONS DIVERSES ET COMMENTAIRES
237
......comme on est. La destinée de chacun est inscrite dans
les
cellules de son corps et dans les
tendances innées de son
âme. Il n'y a. donc qu'à accepter la
volonté de Dieu et vivre
selon la nature qu'il nous a donnée. Cette
attitude était
bien celle de Jésus qui ne se lassait pas de répéter : Que
Ta volonté soit faite sur terre comme au ciel (c'est-à-dire
dans la matière et dans l'esprit) (Jean VI : 10), et Non ce
que je veux, mais ce que tu veux (Mat. XXVI : 39). Cette
acceptation est la suprême sagesse. Un grand sage de
l'antiquité n'a-t-il pas dit la même chose en d'autres termes :
«
0 Univers 1 Tout ce que tu veux, je le veux. » D'ailleurs,
lorsque l'homme atteint un certain degré de maturité
d'esprit, il se rend compte qu'il n'est pas distinct de Dieu,
qu'il n'en est qu'un « fragment » et qu'au fond sa volonté
et celle de Dieu ne font qu'un. A partir de ce moment, les
notions d'obéissance à Dieu ou de révolte contre Dieu n'ont
plus de sens puisque, comme disait Jésus : Moi et le Père
nous sommes un (Jean X : 30). Cette « prise de conscience »
ne saurait en aucun cas aboutir à l'inaction et au quiétisme,
le premier attribut de la vie (de Dieu) étant son dyna-
misme (1). Le Monde est en continuelle transformation et
Dieu qui est ce Monde, bien qu'éternel, n'est jamais le
même deux secondes de suite, pas plus que l'homme
d'ailleurs. C'est pourquoi toute tentative de « saisir » Dieu
et de le représenter apparaît comme puérile et vouée d'avance à l'échec.
Mais
revenons au problème du déterminisme.
Les consé-
quences de cette conception sont incalculables, pourvu qu'on
ait le courage d'en déduire tout ce qu'elle implique. Si la,
valeur de l'homme est déterminée par son hérédité et le
milieu dans lequel il a été élevé, les
notions de « mérite »
et de « faute » (« péché
») n'ont plus aucun sens. Il n'y
a pas de quoi se gonfler d'orgueil si l'on a des qualités, ni
se lamenter si l'on a des travers et des lacunes (« défaut »
c'est littéralement quelque chose qui manque). Par consé-
quent, tout effort, toute contrainte que l'on pourrait exercer
sur soi-même sont vains. Il n'y a qu'à laisser s'exprimer
(1) Certains traduisent « Dieu
est la Parole » — de Jean — par
« Dieu est le Verbe ». Or, du point de
vue grammatical, le verbe sert
surtout à désigner le mouvement,
l'action......
CE
QUE JÉSUS VOULAIT DÏRE.
.....en
Galilée
(v. Luc IV :
14). Il était,
dit Luc, revêtu de la
puissance de l'Esprit,
c'est-à-dire dans un état de grande
inspiration. Ayant été privé durant quarante jours de toutes
relations avec ses semblables, il éprouvait un grand désir
, de communiquer avec eux et ressentait une grande joie à
leur parler. C'est à ce moment qu'il se rendit compte que
la Parole était Dieu
(v. Jean 1 : 1). Il comprit, en effet, que
Dieu est présent dans tout mouvement d'une âme vers une
autre âme. Il comprit aussi que, pour vivre, l'homme a
besoin de cette Parole beaucoup plus que de pain (v. Mat.
IV : 4).......
LES PREMIERS DISCIPLES
Dès ce moment, Jésus commença à
prêcher et à dire :
Changez de comportement les uns envers
les autres, car la
réalisation du Royaume d'amour est à votre portée (v. Mat.
IV : 17). Il appelait lui-même son enseignement : la Bonne
Nouvelle
(« Evangile
») et affirmait que le temps est accompli
de vivre une vie nouvelle (v. Marc 1 :
14, 15).
Comme Jésus se trouvait
auprès du lac de Génésareth
(Luc V :1), que Matthieu (IV :18) et Mare
(1:16) appellent, la
mer de Galilée, Jésus alla voir ses amis
les pêcheurs. Il ai-
mait les hommes du peuple et espérait trouver auprès d'eux
une plus grande compréhension qu'auprès des intellectuels.
Il décida donc de choisir parmi eux ses premiers disciples.
H vit deux frères, Simon (qu'il appela par la suite Pierre)
et André qui jetaient un filet dans la mer
(Mat. IV : 18 et
Marc 1 : 16). Après avoir discuté avec eux et leur avoir
donné des conseils pour la pêche (v. Luc V : 4-10), il leur
dit : Voulez-vous, me suivre et je
vous ferai pêcheurs d'hom-
mes. Aussitôt, ils laissèrent les filets et le suivirent. Etant
allé un peu plus loin, il vit deux autres frères, Jacques, fils
de Zébédée et Jean, son frère, qui étaient dans une barque
avec Zébédée leur père et qui réparaient leurs filets. Il les
appela et aussitôt ils laissèrent leur père dans la barque
avec les ouvriers et le suivirent (v. Mat.
IV : 18-22 et Marc 1 :
16-20). Le lendemain Jésus rencontra Philippe. Il lui dit :
Veux-tu me suivre ? Et Philippe le suivit
(v. Jean 1 : 43, 44).
Quelque temps après, Philippe rencontra Natbanaël et lui ....
CE QUE IÉSUS
VOULAIT DIRE
....de Mat. VII : 1 et 2 et Luc VI : 37),
mais de toute façon, ne
condamnez point, essayez de comprendre et soyez indul-
gents (v. Luc VI : 37). Cherchez plutôt
à donner qu'à pren-
dre et la vie versera dans votre sein une bonne mesure
de
bonheur, serrée, secouée et qui déborde
(v. Luc VI : 38).
la
SINCÉRITÉ
ENVERS SOI-MÊME ET ENVERS LES AUTRES
Gardez-vous de pratiquer votre justice
devant les hommes,
car tout ce qui n'est pas sincère est vain (v.
Mat. VI : 1).
Lors donc que tu fais l'aumône, ne
sonne pas de la trom-
pette devant toi, comme font les hypocrites
dans les
églises (1) et dans les rues,
afin d'être glorifiés par les
hommes. Mais quand tu fais l'aumône, que ta main gauche
ne sache pas ce que fait ta main droite,
afin que ton aumône
se tasse en secret et tu éprouveras une joie d'autant plus
grande dans ton âme (v. Mat. VI : i-4).
Lorsque
vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites
qui aiment prier debout dans les
églises et au coin des
rues, pour être vus des hommes, de telles
prières ne leur
apportent aucun apaisement (v. Mat. VI : 5). Mais toi, quand
tu éprouves le besoin
de communier avec Dieu entre dans
ta chambre, terme la porte et écoute
ton Dieu qui est là
dans le secret au fond de ton âme (v.
Mat. VI : 6).
Si vous vous adressez à Dieu,
n'usez pas de vaines redites.
Ce n'est pas en parlant beaucoup
que vous établirez une
communion avec Dieu qui est en vous (v. Mat. VI : 7). Ne
lui demandez rien car il sait de quoi vous avez besoin avant
que vous le lui demandiez
(v. Mat. VI : 8). Mais que votre
« prière » soit une expression de votre reconnaissance
d'exister, et que ce soit de l'abondance du cœur que
votre
bouche parle (v. Luc VI : 45).
Voici donc comment vous pouvez vous adresser à Dieu :
0 ! Dieu, qui es dans toutes les âmes ! Que tous les hommes
puissent te sentir comme je te sens (v. Mat. VI : 9). Je
souhaite que l'amour puisse régner dans tous les cœurs et
(1) Nous remplaçons souvent le mot
<
synagogues » par le mot
« églises ». Ce que Jésus disait aux Juifs
reste toujours aussi
valable pour les chrétiens.
L'ÉVANGILE SELON JÉSUS
261
.....que tous fassent ta volonté en s'aidant les
uns les autres
(v. Mat. VI : 10).
Je te remercie pour la nourriture et la joie que tu m'as
données aujourd'hui (v. Mat. VI : 11) et je souhaite que
tous les hommes soient dans l'abondance et dans la joie.
Je n'ai de rancune envers personne et je souhaite que les
autres n'en aient pas envers moi (v. Mat. VI : 12).
Je te remercie pour le discernement que tu me donnes
afin que je puisse reconnaître moi-même tout ce qui me
convient (v. Mat. VI : 13).
De tout mon cœur, de toute mon âme et de toute ma
pensée : Merci ! (v. Mat. XXII : 37).
Et, après un moment de
silence, Jésus dit à ses disciples :
Voici les paroles qui sont
agréables à Dieu et qui sont
dignes de ses fils
bien-aimés.
Elles sont tout le contraire de
la mendicité à laquelle on vous a habitués ! Mais n'appre-
nez aucune « prière » par cœur, dites
toujours à Dieu ce
qui vient du fond de votre cœur. Et si vous n'aimez pas
prier, ne vous y forcez pas. Que votre vie même soit envers
Dieu comme une action de grâce. .
La rancune est
un lourd fardeau. C'est pourquoi si
vous
pardonnez aux hommes
leurs offenses, vous éprouverez
aussitôt une grande allégresse dans votre âme. Mais si vous
ne pardonnez pas aux hommes leurs offenses, alors vous
vous condamnez vous-mêmes à éprouver un malaise et à
être déprimés (v. Mat. VI : 14,
15).
les VRAIS TRÉSORS
Ne vous
amassez pas des trésors matériels, car les vers
et la rouille les rongent et les voleurs les percent et les déro-
bent. Mais amassez-vous des trésors
dans votre âme où ni
les vers, ni la rouille ne
rongent et où les voleurs ne per-
cent, ni ne dérobent (v. Mat. VI : 19-21). Et votre plus grand
trésor c'est l'amour qui est dans vos cœurs. Vos cœurs sont
des bourses qui ne s'usent pas, le
trésor qu'ils contiennent
est. inépuisable, et personne au monde ne peut vous l'en-
lever (v. Luc XII : 33). ;
Sachez aussi que nul ne
peut servir
deux maîtres. Car, ou
il haïra l'un et aimera
l'autre, ou il s'attachera à l'un et......
CE QUE JÉSUS VOULAIT DIRE
Le maître n'est pas plus que le disciple,
ni le
seigneur
plus que son serviteur. C'est pourquoi le disciple doit être
traité comme son maître
et le serviteur comme son seigneur,
c'est-à-dire
avec
autant d'égards (v.
Mat. X
: 25).
Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais
qui ne
peuvent tuer l'âme. Craignez plutôt tout ce qui peut faire
périr votre âme, car cela ferait périr en même temps votre
corps. Sachez surtout que c'est une vie sans amour qui
peut tuer votre âme (v. Mat. X : 28).
Bien que je souhaite
apporter aux hommes la paix, "il est
possible que, dans certaines familles, mes paroles provo-
quent la division. Ainsi il se peut
que dans une famille de
cinq personnes, par exemple, il y en ait trois contre deux et
deux contre trois (v. Luc XII : 51-53).
Il pourrait y avoir un
désaccord entre le fils et son père, entre la fille et sa mère,
entre la belle-fille et sa belle-mère
(v. Mat. X : 38). Je suis
venu jeter un feu sur terre et combien je voudrais qu'il fût
déjà allumé 1 (Luc XII : 49) (1). Ce
feu est l'amour, ceux
qui s'en enflammeront ne feront plus de différence entre
les hommes et seront forcément en désaccord avec tous
ceux qui restent attachés à leurs préjugés raciaux, natio-
naux, sociaux et religieux. Et c'est ainsi que, parfois,
l'homme aura pour ennemi ceux de sa propre maison
(v.
Mat. X : 34-37).
C'est
bien d'aimer ses parents et ses
enfants, néanmoins
votre amour ne devrait pas se limiter au cercle étroit de
(1) Nous citons la traduction donnée par Lagrange et Lavergne
d'après la synopse grecque et qui est sans doute la bonne. Alors
que la version synodale et celle de Louis Segond traduisent la
deuxième partie de cette phrase : < et qu'ai-je à désirer s'il est
déjà allumé ? », ce qui est en contradiction avec la première et un
non-sens complet. Ce n'est qu'un exemple entre tant d'autres des
altérations qu'ont dû subir les textes au cours des traductions.
L'ÉVANGILE SELON
JÉSUS
273
Celui
à qui il a été beaucoup donné doit donner beaucoup
(v. Luc
XII : 48), sinon il ne sera pas heureux.
•Quand vous
voyez un nuage se lever à l'occident, vous
dites aussitôt
: Il va
pleuvoir ; et cela arrive. Et quand le
vent du midi souffle, vous dites
: II fera chaud; et cela
arrive.
Vous êtes très habiles pour discerner l'aspect de la
terre et du ciel,
•malheureusement vous l'êtes beaucoup
moins pour discerner ce qui fait le bonheur et le malheur
des hommes (v. Luc XII : 54-56).
Vous demandez toujours aux
autres de vous dire ce que
vous devez faire. Pourquoi ne
discernez-vous pas de vous-
mêmes ce qui est juste?
(v. Luc XII :
57).
Lorsque tu seras invité par quelqu'un à des noces, ne te
mets pas à la première placé de peur qu'il n'y ait
une per-
sonne plus considérable que toi,
et que celui
qui vous a
invités, toi et
lui, ne vienne te dire
: « Cède la place à
celui-ci
» et
qu'alors tu n'aies la honte d'être
obligé de la
lui céder.
Mais quand tu seras invité, attends
que celui qui
t'a invité
vienne te désigner ta place et contente-toi de celle
qu'il
t'aura donnée (v. Luc. XIV : 8-10).
Ne cherchez ni à
vous élever, ni à vous
abaisser. Ayez du
tact (v.
Luc XIV : il).
Quand tu donnes un dîner
ou un souper, n'invite
pas tes
amis, ni tes frères,
ni tes parents, ni tes voisins riches, de
peur qu'ils ne t'invitent à leur tour et ne te rendent la
pareille. Mais quand tu donnes un
festin, convie
des pau-
vres, des estropiés, des boiteux et des aveugles. Et tu seras
heureux de ce qu'ils ne peuvent pas te rendre la pareille
(Luc XIV : 12-14).....
L'ÉVANGILE
SELON .JÉSUS 277
RENCONTRES ET DISCUSSIONS
entretien
DE
JÉSUS AVEC
nicodème
...... y avait
parmi les prêtres un homme
appelé Nicodème,
l'un des principaux parmi les Juifs.
Il alla de nuit trouver
Jésus et
lui dit : Maître,
nous savons que tu es docteur,
venu de la part de Dieu. Enseigne-moi comment l'on peut
entrer dans le Royaume de Dieu. Jésus prit
la parole et lui
dit : Le Royaume de Dieu est le Royaume
d'amour. En
vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître de nouveau,
personne ne peut entrer dans le Royaume d'amour. Nico-
dème lui dit : Mais comment peut-on naître quand on est
vieux ? Peut-on entrer dans le sein de sa mère et naître une
seconde fois ? Jésus répondit : En vérité, en vérité, je te le
dis, à moins de naître d'eau et d'Esprit, personne ne peut
entrer dans le Royaume d'amour. Ce qui est né de la chair
est chair, ce qui est né de l'Esprit est esprit (v. Jean III :
i-6). Nicodème parut étonné et
dit ; Comment cela peut-il
se faire? Jésus lui répondit : Toi qui enseignes Israël, tu
ne sais pas ces choses 1
(Jean III : 10). Tu penses que je t'ai
parlé des choses matérielles (terrestres)
alors que je n'ai
parlé que de réalités intérieures (célestes) (v. Jean III : 12).
J'admets toutefois que pour comprendre ce processus, il
faut y être passé (v. Jean III : 11). Les
paroles que je t'ai
dites concernent
esprit et vie (v. Jean VI : 63). Naître d'eau
signifie être « lavé »
de ses préjugés, nettoyer son esprit, le
désencombrer. Et c'est alors seulement que peut s'opérer la
« seconde naissance », celle qui vient de l'Esprit. Or, naître
d'Esprit c'est retrouver Dieu dans son cœur. Ne
t'étonne
donc
pas que je t'aie dit : n faut que vous naissiez de nou-
veau (v. Jean III : 7).
L'esprit devient alors libre comme le
vent. Le vent souffle où il veut, tu en
entends le bruit, mais
tu ne sais d'où il vient, ni où il va. n en est ainsi de tout
homme né de l'Esprit
(v. Jean III : 7, 8 — Voir aussi Jean
IV : 24). Si vous vous contentez de répéter ce qu'on vous a
appris, vous n'êtes pas libres, mais si vous rejetez tout ce....
L'ÉVANGILE SELON
1ÉSU8
281
Vous vous imaginez un dieu à votre image, méchant comme
vous êtes (v. Mat. XIÏ ': 34). En vérité, en vérité je vous le
dis, Dieu ne punit personne, l'homme ne fait que subir les
conséquences de ses actions et Dieu n'y peut rien. C'est
pourquoi je vous préviens que si vous continuez à haïr les
païens et à vous haïr les uns les autres, vous périrez tous
(v. Luc XIII : 5), et ce sera par votre
propre volonté et non
par celle de Dieu. Quant aux Galiléens
massacrés, cela
devrait vous servir de leçon. N'avez-vous pas entendu qu'il
a été dit : Tu ne tueras point ? Pourquoi répandez-vous le
sang lors de vos stupides
« sacrifices » ? En agissant ainsi,
vous ne pouvez attirer sur vous que des malheurs, car le
sang appelle le sang, et celui qui tue sera tué.
Combien de
fois faut-il
donc vous rappeler cette parole que Dieu a dite
par la bouche d'Isaïe
: Je veux la miséricorde
et non le
sacrifice? (v. Mat. XII : 7).
JÉSUS DÉNONCE L'ESPRIT
DE RANCUNE
. Un
jour, Jésus dit
en s'adressant à la foule : SI ton
trère
t'a fait du tort, reprends-le ; et s'il se
repent,
pardonnez-lui.
Et même s'il te fait du tort sept fois
dans un jour
et que
sept fois
il revienne
à toi et te dise ••
Je me repens,
tu lui
pardonneras (v. Luc XVII : 3, 4). Alors quelqu'un dit dans
la foule
: Et que dois-je
faire si mon frère
me fait du tort
pour la huitième fois le même
jour ? Jésus sourit et dit :
Alors pardonne-lui jusqu'à septante
fois sept
fois (v. Mat.
XVIII : 21), et tu peux être sûr que cet homme méchant se
lassera bien de te faire du tort. Sachez qu'en pardonnant,
c'est surtout à vous-même que vous faites du bien, car il
n'y a rien de plus lourd à porter qu'une rancune.
JÉSUS
A JÉRICHO CHEZ
zachée
Jésus étant entre dans Jéricho
traversait la ville. Et voici,
un homme riche appelé Zachée,
un percepteur d'impôts,
cherchait à voir qui était Jésus, mais
il ne pouvait y par-
venir à cause de la foule,
car il
était de petite taille. V.
courut en avant et monta sur un sycomore
pour le voir....
L'ÉVANGILE SELON JÉSUS
285
.....une brève dissertation théologique de Jean, la
lumière réap-
paraît plus éclatante que jamais : Dieu est amour et celui
qui demeure dans l'amour demeure en Dieu et
Dieu demeure
en lui (1" Ep. de Jean IV : 16).
.
Un
peu plus loin,
Jean dit encore une parole sensée qui
doit être également de Jésus : La crainte n'est pas dans
l'amour, mais l'amour pariait bannit la crainte
(l" Ep.
de
Jean IV : 18). Après quoi,
Jean reprend ses divagations et
commence à se répéter. Il était sans doute très vieux lors-
qu'il se mit à écrire. Les deux autres
épîtres de Jean
ne.
présentent aucun intérêt.
Ainsi, la première épître de Jean complète merveilleu-
sement le prologue qu'il a rédigé pour son évangile. Dieu
est à la fois Intelligence et Amour, la lumière de l'esprit et
la chaleur du cœur. Deux manifestations d'un Principe
Unique qui régit le Monde, qui est le Monde. Dieu est ce
qui existe . Les ténèbres n'existent pas « en soi », n'étant
que l'absence de la lumière, le froid n'existe pas « en soi »,
n'étant que l'absence de la chaleur, enfin la mort n'existe
pas « en soi », n'étant que l'absence de la vie.
Il est probable que Jean
n'a pas compris tout cela, mais
soyons-lui quand même reconnaissant de nous avoir trans-
mis quelques-unes des plus belles pensées de Jésus.
Si Jean n'arrivait pas à
saisir
complètement toute la
pensée de Jésus, car cette pensée le dépassait, par contre il
sentait intuitivement qu'il y avait là la révélation de quelque
chose d'absolument nouveau et qui bouleversait complè-
tement les anciennes conceptions morales et
religieuses.
C'est ce
qui l'a incité à dire : C'est de sa plénitude que nous
avons tous reçu grâce sur grâce, car la Loi
a été donnée par
Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ
(Jean 1 : 16-17).
Le texte de l'évangile de Jean est,
dans l'ensemble, touffu
et incohérent. Néanmoins, on trouve ça et là des bribes
qui pourraient bien être de Jésus et grâce auxquelles on
peut essayer de reconstituer sa pensée :
Ma mission n'est pas de juger le monde mais de sauver
le monde (v. Jean III : 17).....
L'ÉVANGILE SELON
JÉSUS
287
C'est l'esprit qui
vivifie
(,)
la chair
(...).
(v. Jean
VI : 63).
Vous devez toutefois veiller à ce que votre corps reste sain
et robuste, afin
qu'il ne soit pas une entrave à votre esprit.
Mon enseignement
n'est pas une construction de mon
esprit,
mais l'expression même de la vie. Si
quelqu'un veut
appliquer ce que je lui dis, il
connaîtra si
mon enseigne-
ment est de Dieu,
ou si je parle de mon propre chef. Celui
qui parle de son chef cherche sa propre
gloire, mais celui
qui
cherche l'épanouissement de la vie, celui-là
est vrai,
et
il n'y a point d'injustice en lui
(v. Jean VII : 14-18)
(1).
Je dis au
monde ce que Dieu m'inspire. Je ne
tais rien
de moi-même, je parle et j'agis
selon ce que Dieu m'a
enseigné, car il est
toujours avec mol
(v. Jean VIII : 26-29
et XII : 49, 50).
Je suis venu dans ce monde pour que ceux qui ne
voient
point voient (v. Jean IX : 39).
II faut
réunir en un seul corps les enfants de Dieu dis-
persés (Jean XI : 52)
(i).
II m'a été donné de manifester
la plénitude de l'intelli-
gence et de l'amour, c'est pourquoi celui qui
me voit voit
(1) Plus bas, dans le chapitre consacré au conflit de Jésus
avec
les prêtres, le lecteur trouvera une autre version de ce passage, mais
qui signifie
exactement la même chose. Il est évident que toute idée
peut être exprimée de façon différente.
Jésus lui-même n'a déve-
loppé que quelques idées, mais 11 a su
les présenter sans cesse sous
une forme nouvelle.
Cette méthode permet & l'esprit d'aller au-delà
des mots et de comprendre réellement le sens
d'un enseignement.
comme toi, tu es en moi, et comme je suis en toi.
Qu'eux
aussi soient un en nous (v. Jean XVII : 21). Qu'ils soient
un, comme nous sommes un : moi en eux et toi en moi,
afin qu'Us soient parfaits dans l'unité (v. Jean XVII : 23).
Ces
deux passages sont extraordinaires. Chacun d'eux
résume en une seule phrase ce qu'est la véritable religion :
sentiment d'unité avec le Monde et avec les
hommes.
JÉSUS ET
LES ENFANTS
Les marques d'affection que
Jésus témoigne aux enfants
tout au long des évangiles sont émouvantes. Nous ignorons
s'il avait lui-même des enfants, en tout cas il aimait tous
les enfants comme s'ils étaient les siens.
Un jour qu'on lui amena
des petits enfants (...) les disci-
ples les repoussèrent. Et Jésus dit :
Laissez venir à moi les
petits enfants et ne les en empêchez point, car le Royaume
d'amour est pour
ceux qui leur ressemblent (v. Mat. XIX
:
13-15).
Et les ayant pris dans ses bras, il leur dit des mots
gentils et les caressa (v. Marc X : 16)
(i).
L'amour de Jésus pour les enfants était tel qu'il
avoua
un jour à ses disciples que, chaque fois qu'il voyait quel-
qu'un chérissant un enfant, il avait l'impression que c'était
lui-même qui était chéri (v. Mat. XVII : 5, Mar.c IX : 37 et
Luc IX : 48).
Les enfants, eux aussi,
adoraient Jésus et un jour qu'ils
l'acclamaient dans le temple, Jésus dit aux prêtres indignés
par tous ces cris : N'avez-vous
jamais lu ces paroles : Tu as
tiré des louanges de la bouche
des enfants
et de
ceux qui
sont à la mamelle? (v. Mat. XXI : 15, 16).
Ce que Jésus aimait surtout chez les enfants, c'était
leur
simplicité et leur spontanéité, tellement rares chez les
adultes, ces « enfants sans grâce ».
Un jour les disciples s'approchèrent de Jésus et
dirent :
Qui donc est le plus grand dans le Royaume d'amour ?
Jésus ayant appelé un petit enfant,
le plaça au milieu d'eux....
(1) Les disciples interprétaient ces
caresses comme des < imposi-
tions des mains »...
L'ÉVANGILE SELON
IÊSUS 319
....très
sottises « intellectuelles
» qui,
leur sont inculquées dès
leur enfance.
L'homme qui vit selon son
cœur aime, bien entendu, son
père et sa mère, ses frères
et sœurs, sa femme et ses
enfants, mais son amour ne se limite pas à eux, car il aime
tous les êtres humains, et même les bêtes. Dieu n'est-il
pas
dans tout ce qui respire ? Un tel amour n'exclut personne,
et il n'a pas de limite, il
est toujours
et partout vivant et
agissant. L'homme qui le ressent ne fait plus de distinc-
tion entre les « siens » et les voisins, entre ses compatriotes
et les étrangers. Cet homme, qui n'a jamais ni haine, ni
envie, est réellement « sauvé » et en mesure de sauver les
autres. Comprenez-vous maintenant qui est le Christ?
— Mais
alors, dit un disciple, tout homme peut devenir
un Christ ?
— Bien sûr, répondit
Jésus, il suffit pour cela que l'amour
s'épanouisse dans son cœur.
Sachant que ses disciples
comprenaient toujours mieux
les explications imagées que les notions
abstraites, Jésus.
poursuivit : A quoi comparerons-nous cet amour qui rend
l'homme égal à Dieu, par quelle image le représenterons-
nous î
Cet amour est comme une eau vive. Celui qui boira cette
eau, n'aura jamais soif, c'est-à-dire ne souhaitera plus
rien pour lui, tellement il sera comblé; L'Amour jaillira
de lui comme l'eau d'une source et il la donnera à.
profusion à tous ceux qui ont soif de la vie. (Comparer avec
Jean IV : 14 et VII : 37, 38.)
Cet amour sans limite est encore semblable à un pain de
vie qui donne la vie à vos âmes. Si votre âme s'en nourrit,
elle n'aura jamais faim car elle sera dans la joie. Donnez-le
à tous ceux qui ont faim et vous saurez ce qu'est la vie éter-
nelle. (Comparer avec Jean VI : 32-40.)
Cet amour est la lumière du monde. Celui qui suit cette
lumière qui est en lui ne marchera pas dans les ténèbres,
car partout où il va, il porte sa lumière. (Comparer avec
Jean VIII : 12). Fiez-vous à cette lumière et vous serez les
enfants de la lumière (v. Jean XII : 36). .
La haine est d'en bas,
l'amour est d'en haut. La haine est.....
L'ÉVANGILE SELON JÉSUS 349
.....Ils
lui présentèrent un denier.
Et Jésus leur dit : Cette
effigie
et cette inscription, de
qui sont-elles ? Ils lui dirent :
De César.
Alors 11 leur dit : Rendez donc à César
ce qui est
à César, et à Dieu ce qui
est à Dieu. En entendant cette
réponse, ils furent dans l'étonnement,
et le laissant Us s'en
allèrent (v.
Mat. XXII : 15-22,
Marc XII : 13-17
et Luc XX :20-26).
Ce
même jour, les Saducéens,
qui disent
qu'il n'y a point
de résurrection, s'approchèrent de Jésus et lui firent cette
question : Maître, Moïse a dit : Si quelqu'un meurt sans
enfants,
son frère
épousera la veuve et il suscitera une
postérité à son frère. Or, il y avait parmi
nous sept frères.
Le premier se maria et mourut, et comme il n'avait pas
d'enfants, il laissa sa femme
à son frère.
Il en tut de même
du second, puis du troisième jusqu'au septième.
Après eux
tous, la femme mourut aussi. A la résurrection duquel
sera-t-elle
donc la femme?
Car tous l'ont eue. Jésus leur
répondit : Vous êtes tous dans l'erreur parce que
vous ne
comprenez ni les Ecritures, ni lai puissance de Dieu (v. Mat.
XXII : 23-29, Marc XII : 18-24 et Luc XX : 27-32). Il n'y a
pas que les cadavres qui soient « morts », il y a aussi la
multitude de ceux qui ont perdu le goût de vivre. Ce sont
ces « morts » que je veux ressusciter. Pour ce qui est de la
résurrection, sachez que Dieu n'est pas le Dieu des morts,
mais des vivants (v. Mat. XXII : 32). Quant au mariage,
les enfants de ce siècle prennent des femmes et des
maris. Mais ceux qui auront part au monde à venir et à la
résurrection des morts, comme je l'entends, ne prendront
ni femmes, ni maris. Ces êtres libres seront fils de Dieu,
étant fils de la résurrection (v. Luc XX : 34-36).
Quelques-uns des intellectuels qui assistaient à la discus-
sion, prenant la parole, dirent : Maître, tu as bien parlé, et
ils n'osaient plus lui poser aucune question
(v. Luc XX
39, 40).
Lorsque
Jésus alla dans le territoire de Judée,
au-delà du
Jourdain, une grande foule le suivit.
Là, les prêtres l'abor-
dèrent de nouveau et dirent : Est-ce que l'homme qui veut,
servir Dieu peut s'unir à, la
femme ou doit-il rester chaste ?
— Jésus
leur répondit : N'avez-vous pas lu qu'au commen-
cement de la création, Dieu fit l'homme
et la femme et dit :.....
.L'ÉVANGILE SELON JÉSUS
; 351
....de
mon propre chef.
Celui qui parle de son chef
cherche sa
propre gloire ; mais l'homme
qui est inspiré par l'amour
ne cherche pas sa gloire et il est digne de toi, car
il n'y a
point d'injustice en lui
(v. Jean
VII : 14-18).
Et, après une pose,
il leur demanda à brûle-pourpoint :
Pourquoi cherchez-vous
à me faire mourir? — Les prêtres
répondirent : Tu es possédé d'un démon. Qui donc cherche
à te faire
mourir? Et Jésus leur répondit -.J'ai
fait une
œuvre et
vous en êtes tous étonnés. Moïse
vous a donné la
circoncision
(1) — qui vient non de Moïse
mais des
patriar-
ches— et .vous
la pratiquez le jour
du sabbat, croyant
qu'elle'
est nécessaire pour « sauver » l'homme. Si un
homme reçoit
la circoncision le jour du sabbat, afin
que la
Loi de Moïse ne soit pas violée, pourquoi vous irritez-vous
contre moi parce
que j'ai
guéri un homme dans son corps
tout entier le jour
du sabbat? Ne jugez
pas sur l'apparence,
mais jugez
selon la justice (v. Jean VII : 20-34).
Ou dites que l'arbre est bon et que son
fruit est bon,
ou
dites que
l'arbre est mauvais et que son fruit est mauvais,
car on connaît l'arbre par le fruit.
Race de vipères!
Com-
ment pourriez-vous dire des bonnes choses, méchants
comme
vous l'êtes l
(Mat. XII : 33, 34).
Puis, se tournant vers la
foule massée dans le temple,
Jésus dit : Ecoutez et comprenez, l'homme
bon tire des
bonnes choses du
bon trésor de son cœur,
mais l'homme
méchant a perdu tout
contact avec son cœur et il tire des
mauvaises choses de son
intellect (v. Mat. XII : 36)'. Chez
le premier, c'est de l'abondance du cœur
que la bouche
parle (v. Mat. XII :
34), mais chez le second, elle n'exprime
que son agitation mentale. C'est pourquoi,
je vous le dis :
lorsque les hommes auront atteint un
jugement lucide, ils
se rendront compte de toutes les paroles
vaines qui auront
été proférées au cours
des siècles. Et c'est par
leurs paroles
que, tous les vrais
prophètes vont être justifiés
et tous les
taux; condamnés (v. Mat. XII : 36, 37).
Ayant
dit cela, Jésus sortit du temple, et la
foule le suivit.
Quelques habitants
de Jérusalem disaient
:
N'est-ce pas.....
(1) Tradition
stupide
qnl
consistait à mutiler le sexe des enfants
males,
sans doute pour les diminuer symboliquement dans
leur
sexualité, .....
- .
.
CE QUE JÉSUS VOULAIT
DIRE
s'écria : Mais vous, vous cherchez à
me faire mourir parce
que ma parole ne pénètre pas en vous (v. Jean VIII ; 37);;
Si Dieu était votre Père, vous m'aimeriez, car c'est Dieu
qui m'inspire (v. Jean VIII : 40-42). Mais vous avez pour
père le diable et vous voulez accomplir la volonté de votre
père (v. Jean VIII : 44). C'est pourquoi vous ne, comprenez
pas mon langage et ne pouvez écouter ma parole sans pro-
tester (v. Jean VIII : 43). Et quand je parle du diable, j,'en-
tends par là votre intellect tortueux qui a perdu tout; contact
avec Dieu qui est dans votre cœur. Or, l'intellect coupé du.
cœur a été destructeur de la vie dès le commencement, et il
ne se tient pas dans la vérité parce qu'il n'y ai pas de vérité
en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre
tond, car il est menteur et le père du mensonge (v. Jean
VIII : 44). . • ., ,. -i .;;
C'est
pourquoi lorsque je dis la vérité, vous ne me croyez
pas (v. Jean VIII : 45). Celui qui est de Dieu: écoute les
paroles de Dieu qui viennent du cœur, mais vous, vous,
n'êtes pas de Dieu parce que vous n'entendez pas ses paroles,
dans vos cœurs (v. Jean VIII : 47).
Les
prêtres lui répondirent : N'avons-nous pas raison de
dire que tu es un Samaritain et que tu as un démon? (1).
Jésus répliqua : Je n'ai point de démon, mais j'honore;
l'Univers, et vous, vous
en êtes la honte (v. Jean VIII : 48,,
49). Puis, comme excédé par les prêtres, il. se tourna de,,
nouveau vers la foule et dit : Si quelqu'un garde ma parole,
il ne verra jamais la mort (v. Jean VIII : 51). Lorsqu'il dit
cela, les cris des prêtres reprirent de plus belle, et l'un
d'eux s'avança et dit : Nous voyons bien maintenant que tu
es possédé d'un démon. Abraham est mort, les prophètes
aussi et tu dis : si quelqu'un garde ma parole, il ne,
mourra (2) jamais. Es-tu plus grand que notre père Abra-
ham qui est mort? Les prophètes aussi sont morts. Qui,
prétends-tu être? (v. Jean VIII : 52, 53). Jésus répondit :^
Ne dénature pas ma parole, je n'ai pas dit. que celui;.....
(1) Procédé habituel de tous les démagogues consistant à
jeter y
un discrédit sur quelqu'un en évoquant son origine étrangère, bu
en insinuant qu'il est fou.
(2) Cette nuance entre < verra la
mort » et < mourra; » n'existe
que dans la version synodale.
L'ÉVANGILE SELON JÉSUS 367
.....en robes longues et à être salués dans les places publiques.
Ils recherchent les premiers
sièges dans les réunions et les
premières places dans les festins
(v. Mare XXII : 38, 39). Ils
aiment à être appelés par les hommes «
Maître ». Mais
vous, ne vous faites pas appeler « Maître
» et n'appelez
personne ainsi car nul homme ne doit prétendre être le
Maître d'un autre. Vous n'avez qu'un seul Maître :
votre
conscience ! Et vous êtes tous frères !
(v. Mat. XXIII : 7, 8).
Puis s'adressant directement aux prêtres et aux intel-
lectuels, Jésus leur dit :
Honte à vous,
prêtres et intellectuels hypocrites ! Car
vous fermez aux hommes le Royaume d'amour ; vous n'y
entrez pas et ceux qui veulent y entrer, vous les en empê-
chez (v. Mat. XXIII :
13).
Honte à vous,
prêtres et
intellectuels hypocrites ! Car vous
exploitez ceux qui sont
sans défense (1), tout en affectant
des longues prières (v.
Mat. XXIII : 14).
Honte à vous,
prêtres et
intellectuels hypocrites ! Parce
que vous courez la mer et la terre pour convertir les
hommes à vos doctrines
(2) Et quand vous en convertissez
un, vous en faites
un être odieux, deux fois plus que vous
(v. Mat. XXIII : 15).
Honte à vous,
prêtres et intellectuels hypocrites! Parce
que vous tenez à votre
rituel et à vos cérémonies et vous
négligez ce qui est le plus important : la miséricorde, la
justice et l'honnêteté.
Conducteurs aveugles qui filtrez le
moucheron (3)
et avalez le chameau (v. Mat. XXIII : 23, 24).
Honte à vous, prêtres et intellectuels hypocrites ! Parce
que vous nettoyez le dehors de la coupe et du plat et qu'au
dedans ils sont pleins de rapine et d'avidité. Prêtre aveugle 1
Nettoie premièrement l'intérieur de la coupe et du plat, afin
que l'extérieur aussi devienne net (v. Mat. XXIII : 25, 26).
Honte à vous, prêtres et Intellectuels hypocrites ! Parce
que vous ressemblez à des sépulcres blanchis qui paraissent
beaux au dehors et qui, au dedans, sont pleins d'ossements.....
(1) Textuellement : vous dévorez
les maisons de veuves (v. Marc
XII : 40).
(2) Textuellement : pour faire un prosélyte.
(3) L'expression française équivalente est sans doute : «
chercher
la petite bête ».
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