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LES BAHA'IS
La terre n'est qu'un seul pays et tous les hommes en sont les citoyens.

Accréditée en qualité d’organisation internationale non-gouvernementale auprès de l’ONU, la Communauté Internationale Baha’ie (CIB) estime essentiel d’envisager la mise en place d’une confédération mondiale des nations pour garantir une paix durable.

 

Addu'l-Bahà

 

 

"  Celui qui est notre seigneur, le Très- Miséricordieux nourrit en son Coeur le désir de voir la race humaine ne faire qu'une seule âme et qu'un seul corps.  "


1- Essai de synthèse par le Webmestre
2- Les actions humanitaires
3- Extrait des nombreux écrits d'Abdu'l-Bahà
4- Des adresses à contacter
5- Le modeste avis du Webmestre
6 - L'Avis de William S. Hatcher du journal " Le Monde Diplomatique"

 

1- Essai de synthèse du Webmestre (à l'attention des personnes qui ne connaissent pas ce mouvement.)

Résumé condensé des origines du Baha'isme.

         En 1844, le Bab, qui est considéré en Perse comme le descendant du Prophète Mahomet, proclame sa Révélation: il abroge la loi islamique, décrète l'égalité des sexes et multiplie les diatribes contre le fanatisme des religieux et la corruption des politiciens. Le Bab est exécuté à Tabiz en 1850 ainsi que plus de 20000 de ses adeptes.
         Mais le Bab devait ouvrir la voie à un nouveau messager " Celui que Dieu rendra manifeste". C'est Hussein Ali Nouri, un jeune Babi, qui s'étant retiré durant 2 ans dans la montagne se déclara être ce messager et pris le nom de Baha'u'llah. S'attaquant aux pouvoirs politiques et religieux il fini par être emprisonné et déporté plusieurs fois avant de finir sa vie à St Jean d'Acre. Son petit fils Shoghi Effendi lui succéda en tant que" gardien de la foi", compléta l'organisation de la communauté et instaura les premiers plans de développement de la communauté. Il meurt en 1957 en laissant les rênes entre les mains d'un conseil international élu : la Maison universelle de Justice installée à Haïfa en Israël.

       Avant de mourir Baba'u'llah avait écrit de nombreux ouvrages pour la postérité. Pour se procurer les livres s'adresser à la librairie Baha'is, 45 rue de Pergolèse, 75116 Paris ( tel 01 45 01 83 53  fax 01 45 00 05 79 )

Des repères pour une ligne de conduite ( extrait d'un fascicule baha'is ).

Baha'u'llah, pour cette nouvelle ère a énoncé les principes suivants :

  • -         Unité de l'humanité dans le respect de sa diversité.

  • -         Égalité des droits de l'homme et de la femme.

  • -         Abandon de toutes formes de préjugés ( racisme, fanatisme, ségrégation ....)

  • -         Élimination des extrêmes de richesse et de pauvreté.

  • -         Recherche personnelle et indépendante de la vérité.

  • -         Accès de tous à l'éducation et à la culture.

  • -         Tolérance religieuse.

  • -         Accord de l'esprit scientifique et des concepts spirituels et religieux.

  • -         Confédération mondiale de nations

  • -         Adoption d'une langue auxiliaire universelle.

  Les Baha'is suivent le code moral des Dix commandements qui interdit notamment de :

  • -         tuer

  • -         voler

  • -         mentir

  • -         commettre l'adultère

  Auxquels il faut ajouter les interdits plus spécifiques de :

  • -         moeurs sexuelles dissolues

  • -         jeux de hasards

  • -         consommation d'alcools et de drogues

  • -         médisances et calomnies

  Les Baha'is s'efforcent de vivre selon des normes morales élevées. Baha'u'llah recommande instamment d'observer les qualités comme :

  • -         la modération

  • -         l'honnêteté et la confiance

  • -         la chasteté en dehors du mariage

  • -         le dévouement et la courtoisie

  • -         la pureté d'intentions

  • -         la générosité et le service

  • -         la primauté des actes sur la parole

  • -         l'unité

  • -         le travail (élevé au rang de prière 

Les actions humanitaires

C'est dans l'action que l'on accomplit concrètement la Parole du Créateur. La communauté Baha'ie gère plus de 1300 projets de développement dans le monde. Ces activités vont de simples centres d'alphabétisation à des travaux de reboisement, de la gestion de dispensaires à celle de centres de recherche sur l'environnement. Les enseignements spirituels de Baha'u'llah soulignent l'importance de l'autonomie et fait l'apologie d'une approche globale qui comprend les problèmes sociaux et aussi leurs causes.

3 Texte extrait des nombreux écrits d'Abdu'l-Bahà

O peuples du monde, le Soleil de Vérité s'est levé...  

O peuples du monde, le Soleil de Vérité s'est levé pour illuminer la terre entière et spiritualiser la communauté humaine. Appréciables sont les résultats et les fruits, et abondantes les saintes preuves qui découlent de cette grâce.
C'est la miséricorde sans mélange et la bonté la plus pure; c'est la lumière destinée au monde et à tous ses peuples; c'est l'harmonie et la fraternité, l'amour et la solidarité; en vérité, c'est la compassion et l'unité, la fin de l'éloignement; c'est le fait d'être à l'unisson, en toute dignité et liberté, avec tout ce qui est sur terre.
La Beauté bénie dit : "Vous êtes tous les fruits d'un seul arbre, les feuilles d'une même branche": C'est ainsi qu'Elle a comparé ce monde à un seul arbre et tous ses peuples aux feuilles, aux fleurs et aux fruits de cet arbre. Il faut que fleurisse le bourgeon, que se développent la feuille et le fruit et, de cette liaison entre les éléments de l'arbre du monde, dépendent la croissance de la feuille et de la fleur, et la douceur du fruit.
C'est pourquoi tous les êtres humains doivent se soutenir puissamment les uns les autres et rechercher la vie éternelle ;
c'est pourquoi les amoureux de Dieu, en ce monde contingent, doivent être dignes des grâces et des bénédictions dispensées par ce Souverain miséricordieux des royaumes visible et invisible.
Qu'ils purifient leur vision du monde et considèrent tous les êtres humains comme les feuilles, les fleurs et les fruits de l'arbre de l'existence.
Qu'ils s'attachent, en toutes circonstances, à manifester leur bonté envers l'un de leurs compagnons en lui offrant amour, considération et assistance prévenante.
Qu'ils ne voient en personne un ennemi ou quelqu'un de malveillant, qu'ils regardent tous les êtres humains comme leurs amis, considérant l'étranger comme un intime et l'inconnu comme un compagnon, en restant libres de préjugés, sans créer de division.
En ce jour, l'élu accueilli à la porte du Seigneur est celui qui fait passer à la ronde la coupe de fidélité, celui qui fait don, même à ses ennemis, du joyau de bonté et tend une main secourable à tous, même à son oppresseur déchu; c'est celui qui sera, même envers le plus acharné de ses ennemis, un ami bienveillant. Tels sont les enseignements de la Beauté bénie, les conseils du très Grand Nom.

O vous, chers amis! Le monde est en guerre et la race humaine, engagée dans des luttes sans merci, souffre les douleurs de l'enfantement.
Les ténèbres de la haine se sont installées et la lumière de loyauté est masquée. Les peuples et les tribus de la terre ont aiguisé leurs griffes et se jettent les uns contre les autres.
Ce sont les bases mêmes de la société humaine qui sont détruites. Ce sont des milliers de familles qui errent, démunies de tout, et chaque année voit des milliers d'êtres humains baignant dans leur sang, d'arides champs de bataille. Les refuges de la vie et de la joie sont anéantis.
Les généraux exercent leur commandement en se glorifiant du sang qu'ils ont versé et en rivalisant entre eux dans l'incitation à la violence. "A l'aide de cette épée, déclare l'un d'eux, j'ai décapité tout un peuple. " Et un autre : "j'ai abattu une nation". Un autre encore : "j'ai renversé un gouvernement!" Voilà de quoi les hommes tirent leur fierté et leur gloire.
L'amour, la droiture sont partout censurés, tandis que l'harmonie et le dévouement à la vérité sont méprisés.
La foi de la Beauté bénie exhorte l'humanité à la sécurité et à l'amour, à l'amitié et à la paix; elle a dressé son tabernacle sur les sommets de la terre et lancé son appel à toutes les nations.
C'est pourquoi, O vous, les amoureux de Dieu, sachez apprécier la valeur de cette foi précieuse, suivez ses enseignements, avancez sur ce droit chemin et montrez-le aux peuples.
Elevez la voix et entonnez le chant du Royaume. Propagez de par le monde les préceptes et conseils du Seigneur affectueux afin que ce monde devienne un monde nouveau, que cette terre envahie par les ténèbres soit inondée de lumière, que le corps sans vie de l'humanité se lève et vive, que chaque âme aspire à l'immortalité, grâce aux souffles sacrés de Dieu.
Bientôt prendront fin vos Jours éphémères. La renommée, les richesses, les consolations et les joies de ce monceau de décombres, le monde, se seront évanouies sans laisser de traces.
Exhortez donc le peuple de Dieu, et invitez l'humanité à suivre l'exemple de l'assemblée divine. Soyez des pères aimants pour l'orphelin, un refuge pour les âmes en détresse, un trésor pour les pauvres et un remède pour les malades. Secourez chaque victime de l'oppression et soutenez les défavorisés.
Veillez, à tout instant, à rendre quelque service à chacun des membres de la race humaine.
Ne vous souciez pas de l'aversion, du refus, du mépris, de l'hostilité, de l'injustice; comportez-vous de manière vertueuse. Soyez sincèrement bon, pas seulement en apparence.
Que chacun des bien-aimés de Dieu fixe son attention sur ce comportement-ci: être la miséricorde du Seigneur envers l'homme, être la grâce du Seigneur. Faire du bien à chaque personne rencontrée sur le chenu, et être pour elle une source de bienfait. S'efforcer d'améliorer le caractère de chacun et d'orienter à nouveau les esprits des hommes.
Ainsi la lumière de la direction divine continuera à briller et les bénédictions de Dieu berceront l'humanité tout entière, car l'amour est lumière, quelle que soit sa demeure, et la haine est ténèbre, où qu'elle fasse son nid.
O amis de Dieu! Efforcez-vous de bannir à tout jamais cette obscurité, afin que le Mystère caché puisse se révéler et que soit dévoilée la secrète essence de toute chose.


Texte de Abdu'l-Bahà, grande figure de la Foi baha'íe.
Texte reproduit avec l’aimable autorisation des ayants droit
http://www.bahai-biblio.org
 

4 Pour plus d'information vous pouvez contacter :

Le modeste avis du Webmestre ( qui est un humaniste non-appartenant mais croyant en Dieu et en l'Homme)

Le mouvement des Baha'is apparaît comme la solution concrète et structurée pour l'établissement d'une paix mondiale. Jusqu'à présent toutes les Révélations ( sauf celle d'Arès en 1974 et 1977) ont été récupérées par des systèmes religieux se déclarant les intermédiaires obligatoires entre Dieu et les hommes. L'image et ressemblance avec le Créateur ne peut se concevoir que dans l'absolue liberté, la créativité, l'action, l'amour du prochain. Les humanistes incroyants marchent aussi dans cette même direction que leur Coeur leur dicte, je pense aux Citoyens de Monde, à la Fondation Charles Léopold Mayer, au Rassemblement Universaliste, et beaucoup d'autres. Grâce au Web et à ses possibilités de contacts internationaux, ses "gens de Bien", cheminant côte à côte, finiront par se donner la main et comme une énorme marée humaine reconstruiront ce monde en perdition. J'ai la conviction que c'est la libération de la femme musulmane qui apportera son poids définitif dans la balance pour faire basculer le monde vers le Bien.

Rien que d'y penser je ressens une vive émotion et une joie extrême.

ROGER

 



 
Le Monde diplomatique
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> juillet 1999     > Page 25
 

 

PRÔNANT JUSTICE SOCIALE, TOLÉRANCE ET ÉGALITÉ

La foi baha’ie, un humanisme contre les fanatismes



 

 

NI secte ni syncrétisme, le baha’isme est une religion indépendante, au même titre que l’islam, le christianisme et les autres grandes religions. Née en Perse il y a cent cinquante-six ans, prônant depuis toujours la justice sociale, la tolérance et l’égalité des droits entre hommes et femmes, la foi baha’ie s’étend lentement mais sûrement sur tous les continents, en dépit des persécutions dont elle est l’objet - en particulier dans nombre de pays musulmans. Ils n’étaient que quatre cent mille adeptes au début des années 60 et sont à présent presque six millions. Et tout indique que leur croissance va s’accélérer, tant le message baha’i est d’actualité.

 

Par William S. Hatcher
Mathématicien, philosophe et professeur à l’université Laval, Québec. Auteur, notamment, en collaboration avec Douglas Martin, de La Foi bahá’íe, l’émergence d’une religion mondiale, Maison d’éditions bahá’íes, Bruxelles, 1998.




 

On ne peut comprendre ce que représente la « communauté mondiale baha’ie » qu’en se penchant sur le contexte de sa naissance, au milieu du siècle dernier. Car il s’agit d’un véritable phénomène, à la fois paradoxal et mystérieux : comment, en effet, d’un milieu islamique, chiite et intégriste, un mouvement progressiste, libéral et universel a-t-il pu surgir, puis s’étendre partout à travers le monde avec une telle rapidité ?

Dès ses débuts, la foi baha’ie professe des enseignements révolutionnaires pour l’époque : elle appelle à l’égalité des sexes, à la compatibilité de la science et de la religion, à la relativité de la vérité (y compris de la vérité religieuse) et à l’unicité absolue du genre humain. Si ces principes constituaient un défi, y compris pour le libéralisme européen du XIXe siècle, que dire du choc ressenti par le monde islamique, alors replié sur son absolutisme.

Trois personnalités ont mené cette révolution issue de l’islam. La première s’appelait ’Ali-Muhammad Shirazi (1819-1850), surnommé « le Bab » (la Porte - sous entendu : la porte ouverte sur une nouvelle ère). Il y eut ensuite Mirza Husayn-’Ali (1817-1892), qui allait prendre le titre de « Baha’u’llah » (la Gloire de Dieu), relayé par son fils aîné, ’Abdu’l-Baha (le Serviteur de Dieu, 1844-1921).Tout commence en 1844, dans la ville perse de Shiraz. Le Bab déclare être le Mihdi (Celui qui est guidé par Dieu), l’incarnation des attentes eschatologiques (1) des musulmans chiites. Son enseignement se limite, dans un premier temps, à un cercle de dix-huit disciples. Mais, grâce à la diffusion de ses écrits, il touche un nombre de plus en grand de personnes, de toutes les couches sociales, et finit par atteindre le grand public. Le procès grotesque qui lui sera fait à Tabriz, en 1848, pour « déviance religieuse » - et à l’issue duquel il sera sévèrement bastonné -, ne fera qu’augmenter sa notoriété.

A l’origine, le babisme est perçu, par ses propres adeptes, comme une simple réforme - bien qu’audacieuse - de l’islam. Il faudra attendre 1848 pour qu’apparaisse clairement la véritable nature des intentions du Bab. Cette année-là, les adeptes du chef religieux se réunissent dans le village de Badasht. Le Bab, emprisonné alors dans le nord du pays, ne peut participer à la rencontre, mais il envoie des messages à ses disciples. Une femme, membre du cercle des dix-huit adeptes, va créer le scandale. Il s’agit de la poétesse Tahirih, de Qazvin, dont on dit qu’elle a refusé d’épouser le chah. Elle enseigne déjà la foi babie, outrepassant ainsi les limites imposées aux musulmanes. Mais à Badasht, avec l’appui du Bab lui-même, Tahirih va aller encore plus loin : elle ôte solennellement son voile en public, affirme qu’elle ne le portera plus jamais, et proclame, à la fois, le principe de l’égalité des sexes et l’aube d’un jour nouveau pour l’humanité tout entière.

Massacres et persécutions

CE geste spectaculaire marque un tournant dans l’histoire du mouvement. Les adeptes du Bab se divisent. Certains le lâchent, effrayés par tant d’audace. D’autres choisissent de rester à ses côtés. Ceux-là sont résolus et inébranlables dans leur nouvelle foi. En faisant du statut de la femme un des axes principaux de sa religion, le Bab a signalé sans ambiguïté sa volonté de briser à tout jamais le cadre traditionnel de l’intégrisme islamique.

Les représailles ne vont pas tarder. Dans les quatre années qui suivent la rencontre de Badasht, le Bab ainsi que les plus fidèles de ses adeptes sont massacrés, de façon atroce, par les autorités religieuses et politiques du pays. Le dignitaire religieux est fusillé. Tahirih est étranglée. Mais elle ne faiblit pas au moment de mourir et affirme que sa mort, loin de mettre un terme à la libération des femmes à travers le monde, en sera le coup d’envoi. Tout cela se passe, rappelons-le, en 1852, en Perse, c’est-à- dire quelque cinquante ans avant la nomination, en France, de Marie Curie comme première femme professeur à la Sorbonne.

Ces événements dramatiques retentissent jusqu’en Europe et attirent l’attention, notamment, du chargé d’affaires à la légation française de Téhéran, le comte Joseph-Arthur de Gobineau. Celui-ci fait du babisme un des sujets principaux de son livre Les Religions et les philosophies dans l’Asie centrale  (2). Et c’est après avoir lu ce livre que l’orientaliste anglais Edward Granville Browne décide de consacrer sa carrière à l’étude du babisme. Dans l’un de ses ouvrages, rédigé en 1891, il écrira ainsi à propos de Tahirih, surnommée « Qurratu’l-’Ayn » (une consolation pour les yeux) : « L’apparition d’une femme telle que Qurratu’l-’Ayn est, dans quelque pays et à quelque époque que ce soit, un phénomène rare, mais dans un pays comme la Perse, elle constitue un prodige, que dis- je ?, presque un miracle. (...) Si la religion babie ne revendiquait, pour appuyer sa grandeur, que le fait d’avoir produit une héroïne comme Qurratu’l-’Ayn, cela suffirait  (3). »

Alors que le mouvement semble menacer de s’éteindre, tant les persécutions ont été vives, Baha’u’llah prend la relève. Né en 1817 dans une famille noble de Téhéran, il a refusé de suivre la carrière politique à laquelle son père le destinait. Adepte du babisme, Baha’u’llah a été l’un des principaux acteurs de la fameuse rencontre de Badasht. Toute sa vie est parsemée d’embûches. En 1853, il est exilé à Bagdad où il reste dix ans avant d’être à nouveau banni vers Constantinople, puis, en 1868, vers la ville-prison de Saint-Jean-d’Acre, en Palestine (4).

C’est en 1863, à la veille de son départ forcé de Bagdad pour Constantinople, que Baha’u’llah déclare être « Celui par qui Dieu se manifestera », cette figure prophétique dont le Bab disait préparer la venue et qui aurait pour tâche de compléter sa mission. La grande majorité des babis finissent par accepter la revendication de Baha’u’llah, et le mouvement devient « la foi de Baha’u’llah », donc la foi « baha’ie »

A Bagdad, Baha’u’llah commence la rédaction de nombreux textes qui vont constituer l’essentiel de la révélation baha’ie. Un de ses premiers ouvrages, Le Livre de la certitude (1853) (5), présente explicitement la conception baha’ie de la relativité et de la progressivité du phénomène religieux à travers l’histoire. S’appuyant sur des faits historiques et les écrits sacrés des religions juive, chrétienne et musulmane, Baha’u’llah offre une nouvelle interprétation du vécu collectif de l’humanité. Une interprétation qui s’oppose à tout absolutisme et à tout intégrisme religieux, quelle qu’en soit la forme. Alors que le Bab semblait viser uniquement l’intégrisme islamique, Baha’u’llah vise clairement toutes les religions établies. La foi baha’ie est ainsi vécue comme un défi non plus seulement par les fondamentalistes musulmans, mais par tous les intégristes.

Dans d’autres écrits, Baha’u’llah va encore plus loin dans ses analyses. Pour lui, le fanatisme et l’intégrisme religieux constituent les maux les plus terribles dont souffre l’humanité. La logique du chef religieux est imparable : le plus vil des voleurs est à la recherche de son intérêt personnel et il s’arrête quand il a obtenu satisfaction. En revanche, rien n’arrête le croyant fanatique, persuadé d’agir avec la bénédiction divine. Selon Baha’u’llah, la religion vise un but pragmatique : tisser les liens d’une véritable fraternité entre tous les êtres humains. De la même façon qu’on est en droit de juger une théorie scientifique d’après ses résultats quantifiables, on a le droit, voire l’obligation, dit-il, de juger une religion en fonction de sa capacité à promouvoir l’amour et l’unité entre les hommes. La religion n’est pas une fin en soi, mais un moyen, et elle a des comptes à rendre dans son interférence avec le vécu.

Toujours d’après Baha’u’llah, la religion ne doit être comprise ni comme une croyance ni comme une idéologie, mais comme une relation authentique entre Dieu et l’homme, d’une part, entre tous les êtres humains, d’autre part. Toute idéologie, qu’elle ait ou non une base religieuse, est une forme d’idolâtrie, dangereuse parce qu’elle finit tôt ou tard par accorder aux idées une plus grande importance qu’elle n’en accorde à l’homme.

Des années plus tard, en 1931, Shoghi Effendi, l’arrière-petit-fils de Baha’u’llah et l’interprète désigné de la foi (6), fait une présentation lucide de cette conception non idéologique de la religion : « L’appel de Baha’u’llah est, en premier lieu, dirigé contre toute forme d’esprit de clocher, d’étroitesse d’esprit et de préjugés. Si des idéaux longtemps chéris, si des institutions vénérées, si certains postulats sociaux et certaines formules religieuses ont cessé de promouvoir le bien-être de la grande majorité des hommes, s’ils ne contribuent plus aux besoins d’une humanité en développement continuel, alors, qu’ils soient balayés et relégués aux oubliettes des doctrines abandonnées et dépassées. (...) L’humanité n’a pas à être crucifiée pour préserver l’intégrité d’une loi ou d’une doctrine particulière. »

La foi baha’ie oppose donc un humanisme à toute forme d’idéologie. Pour elle, tuer, c’est tuer, que ce soit au nom de Dieu, au nom du prolétariat ou au nom de l’humanitaire. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Baha’u’llah a interdit le prosélytisme ainsi que tout recours à la force pour imposer la doctrine baha’ie. Pour lui, ce sont, précisément, les crimes commis au nom d’un idéal suprême qui constituent la contradiction interne fondamentale de l’histoire de l’humanité.

Entre 1844, année de la déclaration du Bab, et la fin du XIXe siècle, la religion baha’ie ne fera pratiquement pas d’adeptes en Occident. Il faudra attendre les voyages et les conférences d’Abdu’l-Baha, la troisième figure principale de la foi, pour que cela change. Le 11 août 1911,’Abdu’l-Baha quitte l’Egypte pour Marseille, commençant ainsi un périple de vingt-huit mois à travers l’Europe et les Etats-Unis, avec des étapes, notamment, à Londres, Paris et Stuttgart. Partout, il expose les principes de la foi de son père. Ne serait-ce qu’à Paris, il participe à plus de cinquante et une conférences et discussions, pour souligner l’universalisme et l’humanisme de la religion baha’ie et faire la preuve de son caractère non sectaire et non idéologique.

Plusieurs petites communautés de baha’is commencent alors à émerger ici et là en Occident (7). Cependant, malgré le libéralisme ambiant en Europe, les idéologies qui dominent le siècle rejettent la foi baha’ie et l’attaquent. Elle se voit proscrite en Allemagne nazie. Les baha’is qui se risquent à afficher ouvertement leur religion sont traités de la même façon que les autres ennemis du national-socialisme.

En Russie, la grande communauté baha’ie d’Ashkabad ainsi que les importantes communautés de Moscou, Saint-Pétersbourg et d’ailleurs sont combattues par les bolcheviques après 1917. Ces derniers finissent par interdire la religion baha’ie sous prétexte qu’elle est un mouvement antirévolutionnaire (8). Il faut dire que, si cette foi partage certains des idéaux humanistes du marxisme, son fondement spirituel et religieux la situe à l’opposé de la thèse matérialiste des bolcheviques.

Malgré tous ces obstacles, la religion baha’ie a progressé rapidement au cours de ces cinquante dernières années, et ses textes ont été traduits, au moins en partie, dans plus de huit cents langues. Solidement établie dans plus de deux cent trente-cinq pays ou régions à travers le monde, elle compte à présent presque six millions d’adeptes. Depuis 1948, la communauté internationale baha’ie est accréditée à l’ONU en tant qu’organisation non gouvernementale et elle collabore activement avec d’autres mouvements dont les idéaux rejoignent les siens. Les dernières statistiques (9) révèlent que cette religion est, après le christianisme, la plus répandue géographiquement dans le monde.

Son extension depuis la seconde guerre mondiale est passée par plusieurs étapes, chacune assez imprévisible. La première grande percée a eu lieu en Inde dans les années 1955-1965. Aujourd’hui, on y recense plus de deux millions d’adeptes. Des avancées semblables ont eu lieu dans certaines régions d’Afrique, d’Amérique latine et d’Océanie (le roi actuel des îles Samoa occidentales est baha’i). Si, dans certains pays, notamment au Brésil, le gouvernement se félicite officiellement de l’apport de la communauté baha’ie à la société, dans la plupart des pays musulmans, elle continue d’être l’objet d’une persécution tenace et de mesures de harcèlement diverses. C’est ainsi que, à l’automne 1998, le gouvernement iranien a fermé l’université libre que les baha’is de ce pays avaient établie, après qu’ils eurent été interdits dans les autres universités du pays.

Maintenant que les grandes idéologies du XXe siècle semblent en voie d’épuisement et que l’intégrisme religieux se révèle être une impasse, peut-on espérer que le XXIe siècle sera celui d’un véritable humanisme non idéologique et non matérialiste ? Si oui, il ne fait pas de doute que la communauté baha’ie aura un rôle à jouer.

William S. Hatcher.

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(1) L’eschatologie traite de la finalité de l’homme et du monde.

(2) Joseph-Arthur de Gobineau, Les Religions et les philosophies dans l’Asie centrale, Didier, Paris, 1865 ; 3e édition, Ernest Le Roux, Paris, 1900.

(3) Edward G. Browne, A Traveller’s Narrative of the Bab, Amsterdam, Philo Press, 1975 (réédition de la version originale de Cambridge, 1891). Traduction française tirée de Nabil-I-Azam, La Chronique de Nabil, Maison d’éditions baha’ies, Bruxelles, 1986.

(4) En raison de cet ultime bannissement de Baha’u’llah, le Centre spirituel et administratif de la foi baha’ie a été établi sur le mont Carmel, à Haïfa, près de Saint- Jean-d’Acre, en Israël. Il y est toujours installé aujourd’hui.

(5) Baha’u’llah, Le Livre de la certitude, traduction française d’Hippolyte Dreyfus, Presses universitaires de France, Paris, 1987.

(6) A sa mort (1892), Baha’u’llah a désigné pour successeur légitime son fils aîné, ’Abdu’l-Baha, comme le « Centre » de son « alliance » avec ses adeptes, titre qui conférait à ’Abdu’l-Baha toute autorité spirituelle et administrative. A son tour, ’Abdu’l-Baha devait désigner pour successeur son petit-fils Shoghi Effendi. Ce dernier a dirigé la communauté baha’ie de 1921 jusqu’à sa mort, en 1957. La communauté mondiale baha’ie est actuellement administrée par la Maison universelle de justice, un conseil de neuf personnes élu tous les cinq ans. Pour plus de détails, lire William Hatcher et Douglas Martin, La Foi baha’ie, l’émergence d’une religion mondiale, Maison d’éditions baha’ies, Bruxelles, 1998. Et l’ Encyclopédie philosophique universelle, vol. III, Presses Universitaires de France, Paris, 1992.

(7) Paris a été le creuset du message baha’i en Europe. C’est là, en effet, qu’en 1890 une jeune Américaine résidant en France, May Bolles, fonda la première communauté baha’ie sur le Vieux Continent.

(8) La communauté baha’ie franchit très tôt la frontière irano- russe pour s’établir dans la ville d’Ashkabad (capitale du Turkménistan), où le premier temple baha’i fut construit en 1902. Le premier acte officiel de persécution de la foi baha’ie en Russie remonte à 1928, quand ce temple fut confisqué par les autorités soviétiques. Au cours des dix années suivantes, on assista à un démantèlement progressif et complet de toutes les communautés baha’ies en Union soviétique. Pour plus de précisions, voir Graham Hassall, « Notes on the Babi and Baha’i Religions in Russia and its Territories », La Revue des études baha’ies, vol. 5, no 3, 1993.

(9) Encyclopaedia Britannica, 1998 Book of the Year, Chicago, 1998.



 

 
     


LE MONDE DIPLOMATIQUE | juillet 1999 | Page 25
http://www.monde-diplomatique.fr/1999/07/HATCHER/12219

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Mise à jour 2 oct 2004 / RR